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dans des alliances à la mode du pays qui établirent solidement leur prestige et leur autorité. L’histoire de Toinette se confond avec celle de Saint-Louis, ce “site impossible entre mer et fleuve [...] désert et mangrove” (19). Dans sa maison, microcosme du métissage de Guet-Ndar, elle régnait sur “toute une population d’anciens captifs de case, des domestiques [...] des apprentis et engagés à temps” (48), des laptots et des commis. Sans oublier les visites des griots, liens entre les noirs et les métis. Grâce à eux, “elle sentait comme des racines qui l’attachaient solidement aux noirs de l’île. Elle se sentait chez elle” (50). Les visites, Toinette en a beaucoup. On voit défiler dans sa chambre tous les notables de Saint-Louis, les militaires, et les autres signares au destin tout aussi surprenant. Au moment où elle dicte son testament, sa position sociale demeure mais son accoutrement n’a plus la splendeur d’autrefois. Pour Fadel Dia, la détérioration de sa mise est la métaphore d’un temps disparu, celui où les riches atours des signares étaient légendaires, métissant eux aussi les modes: “robes de mousseline, de taffetas et de calicot” (23) et une “coiffure qui commençait comme un turban et s’achevait comme un hennin flamand” (42). Désormais “l’échafaudage de mousseline, de rubans et de velours” ne cache plus qu’un “maigre tapis de poils crépus et blancs” (88). Tout au long du roman, l’auteur suit pas à pas la démarche hésitante de Toinette, qui, à l’instar de Saint-Louis, s’enfonce dans le brouillard: “L’île ressemblait à une terre en dérive [et] la brume ajoutait à cette impression de naufrage” (109). La fin approchant, Toinette entend laisser sa fortune à Cathy sa raparille, devenue sa fille adoptive. Pourtant, Fadel Dia ne donne pas satisfaction à Toinette. Comme pour accentuer la fin d’une ère révolue et libérer Cathy, “ouvrant enfin les portes d’un monde longtemps enfoui dans [sa] mémoire” (179), elle quittera définitivement Saint-Louis. La raparille retournera chez les siens vers le HautFleuve , d’où elle avait été arrachée dans son enfance: “Cathy est partie, Toinette [...] partie à Galam” (187). Fadel Dia aborde le récit historique par le biais de la fiction et fait symboliquement de Toinette la dernière signare. Le roman apporte une lumière indéniable sur le temps où ces femmes métisses tenaient un rôle majeur en se glissant dans les interstices de l’Histoire. Earlham College (IN) Annie Bandy DJEMAÏ, ABDELKADER. Un Moment d’oubli. Paris: Seuil, 2009. ISBN 978-2-02-098638-0. Pp. 96. 13 a. Un Moment d’oubli a tous les attributs du roman social tant sur le plan stylistique que thématique et décline l’errance d’un marginal, Jean-Jacques Serrano, homme d’une cinquantaine d’année, dans une ville qu’il ne connaît pas, alors qu’il se dirigeait vers une autre ville où il n’arrivera jamais (86). Au-delà des tropes néoréalistes (pauvreté, destitution, alcoolisme, errance), il convient de noter que l’intrigue se déploie comme dans un roman policier, autour de la présence liminale d’un mort. Comme l’indique le titre, la trame du roman est tissée autour d’un espace vide, point nodal qui donne son impulsion au texte. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que le protagoniste d’Un Moment d’oubli est un ancien flic qui a abandonné son emploi et sa vie après un événement tragique qui n’est révélé qu’à la fin du texte, mais que tout lecteur un peu avisé peut facilement pressentir dès le début de l’intrigue (il s’agit d’un homicide). De fait, 194 FRENCH REVIEW 84.1 dès la deuxième page, le narrateur révèle le nom du meurtrier: le protagoniste lui-même. Ne reste alors qu’à établir le pourquoi et le comment du meurtre. Pour ce faire, tout au long de l’intrigue, le narrateur va interroger le protagoniste (son double) dans une auto...

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