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  • Les prisonniers de guerre allemands dans les Basses-Alpes (1944-1948) by Guy Reymond
  • Fabien Théofilakis
Guy REYMOND, Les prisonniers de guerre allemands dans les Basses-Alpes (1944-1948), Forcalquier, C'est-à-dire Éditions, « Un territoire et des hommes », 2019, 276 p. Postface de Jean-Marie Guillon.

Guy Reymond, ancien employé des usines Péchiney à Saint-Auban avant de créer au début des années 1980, à la demande du maire de Digne, un service des archives municipales qu'il dirigea pendant vingt-cinq ans, livre une étude sur un territoire, les Basses-Alpes, qui accueillit dès l'été 1944 des prisonniers de guerre allemands après avoir été, à partir de 1943, une terre de formation de nombreux maquis, durement réprimés par l'occupant dans les sept mois précédant la Libération. Sur 276 pages richement illustrées et accompagnées d'un index des noms de personnes et de lieux, l'auteur à la fine connaissance du « terroir archivistique » propose une étude sur l'insertion de ces vainqueurs devenus vaincus dans un milieu profondément marqué par l'Occupation. La rencontre avec ces 3 204 prisonniers répartis, à l'échelle du département en décembre 1945, en une cinquantaine de kommandos municipaux et deux entreprises de travaux publics, promettait d'être historique.

Le travail accompli par Guy Reymond est remarquable à plus d'un titre, mais avant et surtout par sa capacité à flairer–tel l'ogre de la légende cher à Marc Bloch–la chair humaine et, ce faisant, à révéler, vue d'en bas, une histoire long-temps restée tue à l'échelle nationale, mais qui n'en continuait pas moins à circuler dans les familles. Cette descente au village s'appuie sur un méticuleux travail de sources, qui s'apparente au chercheur d'or quand il exploite les gisements, allant de filon en filon, de Castillon à Villeneuve, collectant documentations écrites et témoignages oraux. L'ouvrage suit une exposition géographique selon trois grandes parties d'inégale longueur : d'abord le coeur du dispositif de captivité, le dépôt n° 157 au camp du Tivoli à Digne (50 p.), puis les nombreux camps et kommandos qui en dépendent (118 p.), enfin la vie quotidienne et les rapports entre gardiens et prisonniers (83 p.), même si ces thèmes sont abordés tout au long des chapitres.

La formidable collecte documentaire croise ainsi des considérations d'histoire locale, étayées par des archives datant de la captivité, avec la construction de la mémoire du phénomène grâce au recours aux témoignages oraux suscités par l'auteur. Cette démarche s'intéresse moins aux directives venues d'en haut, de la Direction générale des prisonniers de guerre de l'Axe à Paris, du Commissaire de la République, voire des maires, qu'à leur application à l'échelle d'un village, d'un détachement de travail, d'une baraque, donnant à voir comment les Allemands sont pris en charge par des communautés en reconstruction. Cette perspective, qui a parfois tendance à privilégier les citations quasi in extenso de sources (p. 45-48), contient de véritables trésors d'archives, comme dans le cas du camp du Chaffaut occupé, entre 1945 et 1946, par le Service du déminage. L'ouvrage reproduit la chronique de ce service, magnifiquement illustrée par les prisonniers allemands qui représentent un quotidien d'où paradoxalement les travaux de déminage sont absents, à une allusion près. Ce va-et-vient entre histoire et mémoire est efficacement servi par la qualité de l'iconographie : documents d'époque, plans des différentes structures de captivité, photographies de localisation font voir l'inscription de la captivité dans le paysage comme dans l'économie villageoise.

Avec le temps des kommandos communaux vient celui de la maximisation des rencontres entre anciens ennemis. Et c'est alors que s'apprécie tout l'apport des témoignages, que ce soient les correspondances entre anciens employeurs français et travailleurs allemands retournés en Allemagne–tels Josef Wecker et Karl Huss qui continuèrent d'écrire jusqu'à la fin...

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