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Reviewed by:
  • Syrie. Anatomie d'une guerre civile by Adam Baczko, Gilles Dorronsoro et Arthur Quesnay
  • Leyla Dakhli
Adam BACZKO, Gilles DORRONSORO et Arthur QUESNAY, Syrie. Anatomie d'une guerre civile, Paris, CNRS Éditions, 2016, 416 p.

Comment peut-on comprendre une guerre civile? Voici la question à laquelle tentent de répondre des chercheurs en science politique, à partir de l'étude d'un certain nombre de cas contemporains. L'ambition de ce projet doit être énoncée en premier lieu pour donner au livre dont nous rendons compte ici sa place dans la recherche contemporaine sur le Moyen-Orient, mais aussi, plus largement, sa place dans les efforts de compréhension et de théorisation du nouveau désordre global.

Les auteurs proposent ici, non pas un exposé des attendus théoriques de leur réflexion sur la guerre civile, engagée désormais dans le cadre d'un contrat de recherche ERC porté par l'un d'entre eux (« Social Dynamics of Civil Wars »), mais bien un cas pratique, dont ils se proposent de faire l'anatomie.

Ce cas est celui de la Syrie. D'emblée, il apparaît que se saisir d'une guerre en cours pour en faire l'anatomie est un paradoxe. Car on ne découpe que les corps morts, au repos, et il semble à première vue que le corps de la Syrie en guerre n'est pas encore tout à fait assez exténué pour être examiné dans le détail. Mais ce paradoxe n'est pas une critique de l'approche ici proposée. Car c'est bien par l'observation de la crise en cours que naissent l'interrogation théorique et la volonté de comprendre ce qui est à l'oeuvre. Cette observation est faite par trois auteurs qui arrivent sur un nouveau « terrain », riches d'autres expériences et d'autres observations de théâtres de guerres civiles, parfois proches (Kurdistan, Irak), parfois plus lointains (Libye, Afghanistan, Congo). Par le comparatisme (implicite, les autres terrains ne sont pas systématiquement convoqués à l'appui de la démonstration), l'idée est de « porter une attention aux processus sociaux pour éviter les apories d'une approche étiologique ».

L'anatomie signifie alors le fait de reconnaître les traces d'un mal sur un corps (social). L'approche sociologique se fonde ici sur l'hypothèse centrale selon laquelle la guerre, et avant elle la révolution, opère une transformation radicale du capital social des individus, que ce soit sous la forme d'une perte ou d'un gain (voir notamment p. 278). À la suite d'autres chercheurs, comme Sébastien Chauvin, les auteurs réinterprètent la notion de capital social à l'aune de situations de crise. Cela passe nécessairement par une enquête, ici minutieusement décrite et menée, et par une généalogie, qui permet de retracer un parcours : comment en est-on arrivé là? [End Page 144]

L'hypothèse théorique est forte, et il faut laisser à ce programme le temps de se déployer pour affûter tous ses outils et apporter une contribution à la compréhension des guerres civiles.

Restons-en donc au cas qui nous est présenté ici. À la suite d'une brève introduction consacrée à situer l'enquête, le livre est construit autour de trois parties qui sont ordonnées chronologiquement en « phases » de la révolution syrienne (protestations ; passage à la lutte armée/guerre civile ; fragmentation de l'insurrection) et d'une quatrième partie qui explore autour de trois thèmes (capital social, économie de guerre, hiérarchies communautaires) les mutations de la société syrienne induites par la guerre civile.

Commentons d'emblée l'usage qui est fait ici de l'histoire–ou tout au moins de la chronologie–pour caractériser des phases de ce que l'on considère d'emblée comme un conflit. Point n'est besoin peut-être de rappeler combien ce qui se joue en 2011 dans les rues de Syrie n'est pas réductible au déroulé d'un conflit. Ici, l'exposé des phases de la révolution se calque sur l...

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