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  • Les poilus de Haute-Savoie. Conscription, mobilisation, réinsertion sociale, 1889-1939 by Sébastien Chatillon
  • Antonin Dubois
Sébastien CHATILLON, Les poilus de Haute-Savoie. Conscription, mobilisation, réinsertion sociale, 1889-1939, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2020, 318 p. Préface de Christian Sorrel.

L'histoire sociale et culturelle de l'armée, de la conscription, de l'expérience combattante et des « sorties de guerre » durant la fin du XIXe et la première moitié du XXe siècle, s'est considérablement développée en France depuis trente ans. Ces thématiques font toujours l'objet de nombreuses publications, comme l'illustrent les ouvrages récents de Mathieu Marly, Jérémie Halais ou le présent livre12. Cette richesse historiographique permet à Sébastien Chatillon d'articuler ces différents thèmes dans un cadre territorial restreint, pour proposer une « étude du trajet de vie des combattants haut-savoyards » (p. 20) sur le temps long. Pour ce faire, il analyse successivement leur incorporation et leur service militaire, leur mobilisation et vie au front durant la Première Guerre mondiale et leur retour, pour ceux d'entre eux qui ont survécu, à la vie civile.

Issu d'une thèse de doctorat soutenue en 2015, l'ouvrage s'appuie sur deux « piliers » archivistiques : les registres de matricules, dont un millier de fiches ont été dépouillées et entrées dans une base de données qui a servi à leur analyse ; les témoignages de soldats et de civils, source désormais usuelle dans l'historiographie de la Première Guerre mondiale, qu'il s'agisse de lettres, carnets, journaux intimes ou mémoires. À ces deux types de sources s'est ajouté le dépouillement d'archives institutionnelles locales et nationales.

S. Chatillon s'attache à traiter pour le cas des Haut-Savoyards toutes les questions les plus discutées de l'historiographie, des problèmes les plus classiquement militaires aux aspects les plus intimes, comme le deuil, en passant par la composition sociale du corps des conscrits, la situation à l'arrière durant la guerre ou encore l'inévitable question de la motivation au front, qui a suscité de nombreux débats polémiques entre historiennes et historiens. Cela oblige à ne présenter ici que les traits les plus saillants de l'ouvrage.

Les poilus de Haute-Savoie est marqué par deux caractéristiques principales. La première est, qu'à côté de l'ensemble des données et faits qu'il présente, S. Chatillon s'efforce, grâce aux témoignages–dans la continuité de l'anthropologie historique de la Grande Guerre –, de revenir régulièrement au plus près de la vie des acteurs et de retracer leurs expériences. Dans le deuxième chapitre, il s'attache à montrer comment se forme une « classe » (une génération de conscrits, incorporés l'année de leurs 20 ans), à travers différents rituels : tirage au sort ou passage devant la commission de révision après la réforme de 1905, fête des conscrits qui peut durer plusieurs jours, banquet et cérémonie religieuse de départ, soumission à la « discipline de fer » (p. 77) qui règne à la caserne. Au chapitre 4, l'auteur résume brièvement l'expérience de la guerre de six Haut-Savoyards aux profils sociaux et militaires différents. Si Joseph Rassat représente « l'archétype du soldat français, c'est-à-dire un jeune fantassin-paysan » (p. 134), d'autres ont des profils plus atypiques, comme Joseph [End Page 132] Bergoënd, émigrant canadien, ou Émile Bron, « embusqué de l'avant ». Comme d'autres avant lui, Chatillon retrace la vie au front et rappelle le seuil inédit de violence atteint en 1914-1918. Dans le chapitre 6, il cite longuement les témoignages d'attente, de difficultés, de frustration, voire d'énervement de soldats impatients d'être démobilisés, puis leurs réactions parfois critiques envers les cérémonies commémoratives.

L'intérêt majeur du livre vient tant de l'atout de la monographie sur un territoire donné que...

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