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  • Un « plan Marshall juif ». La présence juive américaine en France après la Shoah, 1944-1954 by Laura Hobson Faure
  • Célia Keren
Laura HOBSON FAURE, Un « plan Marshall juif ». La présence juive américaine en France après la Shoah, 1944-1954, Paris, Le Manuscrit, « Penser la solidarité, hier et aujourd'hui », 2018, 406 p. [1re édition : Armand Colin, 2013].

Les juifs américains jouèrent un rôle majeur dans la renaissance de la vie juive en France après la Shoah. Par leurs subventions massives aux oeuvres sociales juives [End Page 157] françaises, ils leur permirent de développer les services indispensables aux rescapés qui, pour avoir survécu, ne s'en trouvaient pas moins démunis, perdus, sans famille. Mais les dollars américains (près de 30 millions entre 1944 et 1954) n'allaient pas sans conditions et ils n'étaient pas seuls à traverser l'Atlantique. En envoyant des délégués en France, les organisations philanthropiques juives américaines y exportèrent aussi une partie de leurs structures, de leurs méthodes de travail et de leur conception de ce que devait être la communauté juive française. Il en résulta des relations ambivalentes entre leaders juifs français et américains, faites de solidarité et de reconnaissance mais aussi d'incompréhensions, de rancoeur et de tensions.

C'est ce qu'établit de manière précise et fouillée l'historienne Laura Hobson Faure, professeure à l'Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, dans cette réédition de l'ouvrage tiré de sa thèse de doctorat. En s'intéressant aux hiérarchies entre donateur et receveur et en interrogeant la dimension impérialiste de l'aide juive américaine, elle contribue certes à l'histoire juive mais aussi à celle de l'aide humanitaire et au débat sur l'américanisation de la France après 1945. Elle s'appuie pour cela sur les archives de nombreuses organisations en France et aux États-Unis, sans se contenter de celles de la principale et plus riche d'entre elles, l'American Joint Distribution Committee (communément appelée le Joint). L'autrice a aussi mené une cinquantaine d'entretiens oraux avec d'anciens responsables communautaires. C'est ce qui lui permet de développer une approche relationnelle attentive aux interactions non seulement entre organisations, mais aussi entre individus, faites certes de rapports de force mais aussi d'amitié.

L'ouvrage est divisé en six parties organisées de façon chronologique au début, puis thématique. La première partie revient sur la période 1914-1944. Elle présente les organisations d'aide juives américaines et françaises en signalant le renversement graduel du rapport de force entre elles : si les juifs français continuent dans les années 1930 à se considérer comme des philanthropes internationaux, venant en aide aux réfugiés d'Europe de l'Est, ils ont de plus en plus besoin pour cela des fonds du Joint américain. C'est à cette époque que ce dernier commence à influencer la vie juive française, en conditionnant ses subventions à une plus grande ouverture des juifs français envers leurs coreligionnaires immigrés.

La deuxième partie analyse l'aide juive américaine dans l'immédiat après-guerre, avant le retour sur le continent des professionnels de la philanthropie. Elle met ainsi en lumière le rôle des aumôniers militaires juifs américains accompagnant l'armée de libération dès l'été 1944. En effet, alors que le Joint est en pleine négociation diplomatique pour se réinstaller en France, les militaires américains juifs prennent sur eux, de façon souvent individuelle et spontanée, de retrouver puis de secourir les survivants de la Shoah. Ils utilisent le système postal militaire pour demander à leur communauté, leur famille et leurs amis aux États-Unis de leur envoyer des colis de nourriture, de vêtements et de chaussures, voire détournent les denrées destinées au ravitaillement de l'armée américaine (p. 103). Au Mans, ils lèvent...

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