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  • Une histoire populaire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours by Gérard Noiriel
  • Christophe Naudin
Gérard NOIRIEL, Une histoire populaire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours, Marseille, Agone, « Mémoires sociales », 2018, 830 p.

Historien de la classe ouvrière et de l'immigration (même s'il a écrit sur bien d'autres thèmes, comme le nationalisme), Gérard Noiriel est aussi l'un des fondateurs, avec Michèle Riot-Sarcey et Nicolas Offenstadt, du Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH), en réaction à l'article de la loi du 23 février 2005 reconnaissant « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». La polémique a tourné alors autour des « lois mémorielles », condamnées par Liberté pour l'histoire, autour de Pierre Nora qui, au contraire du CVUH, défend une participation active des historiens au débat public, sans pour autant vouloir « régenter les discours que les citoyens tiennent sur le passé » (p. 734).

C'est sans doute dans cette logique que G. Noiriel s'est à nouveau engagé en première ligne depuis l'élection d'Emmanuel Macron, et de façon inédite. Parallèlement à la parution de son Histoire populaire de la France qui nous intéresse ici, l'historien a ouvert un blog en octobre 2018, avec pour but « d'approfondir et de discuter des questions [développées] » dans son ouvrage. Une démarche rare, qu'il faut saluer, et qui s'inscrit dans la lignée récente d'autres historiens ayant décidé d'utiliser le Web et les réseaux sociaux pour répondre au discours dominant sur l'histoire. [End Page 269]

Cela a conduit G. Noiriel à réagir à l'actualité, et singulièrement au mouvement des gilets jaunes, dans plusieurs articles qui ont donné la postface de la nouvelle édition de son livre. Sur le sujet, il s'est même opposé à l'un de ses collègues. Dans son texte « Patrick Boucheron : un historien sans gilet jaune », il questionne la frontière parfois floue entre « historien » et « citoyen », le problème de la compétence scientifique pour commenter l'actualité (opposant par exemple l'histoire culturelle et la socio-histoire qu'il pratique), et plus largement le rôle de l'historien dans l'explication de cette actualité. Pour G. Noiriel en effet, reprenant Marc Bloch, l'un des buts de l'historien doit être « de retrouver le passé dans le présent ».

La polémique a été plus vive encore quand G. Noiriel a publié, à la suite de billets sur son blog, son ouvrage Le venin dans la plume. Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République (La Découverte, 2019), dans lequel il étudie « la grammaire identitaire » du discours nationaliste, comparant ouvertement Drumont et Zemmour, l'antisémitisme de l'un, l'islamophobie de l'autre.

La parution d'Une histoire populaire de la France doit donc être comprise dans ce contexte, même si le projet a mis dix ans à mûrir. Comme il l'écrit dans son avant-propos, G. Noiriel veut utiliser la socio-histoire pour « retracer la genèse des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui » (p. 9). En cela, il se démarque des deux autres célèbres « histoires populaires », celle de Howard Zinn et celle de Michelle Zancarini-Fournel.

Le cadre, en revanche, est national comme chez ses collègues, ce qui ancre également l'ouvrage dans l'actualité « chaude » des publications historiennes. Car, depuis quelques années, des publicistes ont fait de l'histoire de France leur fonds de commerce et monopolisent à la fois les succès éditoriaux et l'espace médiatique, véhiculant le plus souvent une histoire réactionnaire, s'intéressant aux dominants plutôt qu'au peuple. Les historiens universitaires ont longtemps hésité à réagir, certains estimant que cela ne les concernait pas, d'autres que le cadre national était dépassé, beaucoup hésitant sur les moyens pour contrer ces mésusages...

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