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  • L'effet livre. Métamorphoses de la bande dessinée by Sylvain Lesage
  • Jessica Kohn
Sylvain LESAGE, L'effet livre. Métamorphoses de la bande dessinée, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, « Iconotextes », 2019, 432 p.

L'histoire de la bande dessinée n'en est plus à ses premiers pas. La question est soulevée dès la fin des années 1970, centrant la réflexion sur le rôle pédagogique que peut jouer la bande dessinée dans la transmission de l'histoire43. Longtemps écrite par des bédéphiles et hors de l'université, la bande dessinée a désormais rejoint ses bancs, notamment grâce aux travaux de Pascal Ory44, Thierry Crépin45 et Jean-Paul Gabilliet46. D'abord largement issu de l'histoire culturelle, ce courant de recherche s'ouvre désormais à d'autres manières de faire de l'histoire, comme l'histoire quantitative et l'histoire de l'art, et dialogue avec d'autres disciplines.

Le livre de Sylvain Lesage, L'effet livre. Métamorphoses de la bande dessinée, participe de façon évidente à l'évolution de la discipline, en nous invitant à réfléchir aux manières d'étudier la bande dessinée en tant qu'historien ou historienne. Parce que, d'une part, dans la lignée de Jean-Yves Mollier qui fut son directeur de thèse, l'auteur présente la bande dessinée comme un objet total, point de départ d'analyses historiques multiples (économiques, matérielles, professionnelles, etc.) ; parce que, d'autre part, il appuie et construit sa réflexion sur les apports de la théorie littéraire. En choisissant un titre qui met le « livre » en avant plus encore que la « bande dessinée », S. Lesage souligne son choix de détacher l'objet des études bédéphiles célébrant un canon désormais bien connu, pour le rattacher aux questions éditoriales plus larges de la publication en album. [End Page 255]

Cet opus est le second ouvrage tiré de son travail de thèse47. Le premier, paru en 201848, abordait l'histoire de l'album de bande dessinée du point de vue des éditeurs et se terminait sur des interrogations portant sur la légitimation progressive de la bande dessinée, formulant l'hypothèse que le statut artistique de celle-ci était « facilité par son incorporation croissante au monde du livre et de la littérature » (p. 379). La publication en album jouerait alors un rôle central dans la création du patrimoine de la bande dessinée, dessinant une « hiérarchie de valeurs, dont la mémoire actuelle de la bande dessinée est très largement tributaire » (p. 380).

Ce sont ces questions qu'aborde avec précision et finesse L'effet livre, approfondissant la question de la légitimation de la bande dessinée soulevée par Luc Boltanski49 pour la replacer au sein d'un phénomène historique précis, celui qui voit « l'édition de la bande dessinée se déplace[r] des pages de journaux à celles des livres » et atteindre ainsi une place inédite par rapport à d'autres pays dans « ses respectabilités culturelles » (p. 12-13). Pour répondre à cette question, S. Lesage analyse principalement l'avènement du livre de bande dessinée dans la seconde moitié du XXe siècle. En retraçant une chronologie qui, de 1950 à 1990, permet d'assister « à l'instauration d'un standard d'édition et à sa progressive mise en crise » (p. 19), il pose les bases d'un solide travail d'histoire éditoriale, binationale par ailleurs, puisque le marché est alors partagé entre la France et la Belgique wallonne, sous le label communément employé de « franco-belge ». Il se donne également un autre objectif, celui d'ouvrir son champ d'étude disciplinaire, en cherchant à retracer « l'expérience [de lecture] des contemporains » (p. 16). Cela passe par une étude des supports, rejoignant les exigences de l'histoire matérielle tout autant que de l'analyse sémiotique, et ne néglige donc pas une analyse proprement...

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