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  • Le défi de la folie. Psychiatrie et Politique (1966–1992) par Tony Lainé
  • Cherbonnier Ahnich Myriam
Le défi de la folie. Psychiatrie et Politique (1966–1992) Tony Lainé, Édition établie et présentée par Martin Pavelka Paris : Éditions Lignes, 2018, 576 p., $35,00 €

Cet ouvrage se présente comme un recueil d'entretiens, de textes et de discours de Tony Lainé, l'une des figures centrales du collectif des psychiatres communistes français au lendemain de la Seconde [End Page 271] Guerre mondiale et un militant de l'application des théories psychanalytiques dans le secteur infanto-juvénile. Il s'ouvre sur un entretien publié en 1990 dans la revue Synapse: « J'ai commencé dans le métier à l'époque où on venait de créer les premiers services de psychiatrie infantile dans le service public […] je rêvais comme beaucoup de résoudre un certain nombre de problèmes à l'époque des neuroleptiques etc., à travers des travaux sur la biologie du cerveau, la biochimie, etc. […] En 1958, j'ai été publié dans un ouvrage américain sur les pionniers de la chimiothérapie de l'avenir. Et je figurais parmi ces pionniers avec une photographie superbe (rire) […] Quand j'ai constaté que, malgré toutes les recherches, tous les travaux entrepris, on ne dépassait pas le niveau empirique de la prescription, j'ai commencé à m'interroger sur le contre-transfert dans la prescription […] j'ai pu accéder à d'autres formes d'expression […] et j'ai pu accéder sans doute à une radicalité plus forte de ma pensée, de ma réflexion, dans ma démarche professionnelle » (p. 28).

Cette entrée en scène permet au lecteur d'appréhender la trajectoire d'un psychiatre iconoclaste né en 1930 et dont la succession des positions au sein de l'univers professionnel de la psychiatrie s'articule avec ses prises de position politiques et scientifiques. Critique exemplaire de la psychiatrie traditionnelle, dont il dévoile finement la fonction d'opérateur du contrôle social (p. 89), Lainé représente à la fois la rupture qui s'opère entre deux générations de psychiatres et la continuité qui se donne à voir dans l'actualisation d'une socialisation politique précoce, héritage d'un père ouvrier métallurgiste militant socialiste et d'une mère juive russe dont il a assuré la protection durant la Seconde Guerre mondiale. Adhérant au parti communiste en 1947, il s'oriente avec quelques camarades vers une remise en cause de l'hôpital psychiatrique, projet qui reflète notamment dans la volonté de combattre l'héritage de Vichy en investissant le territoire de ce que l'on appelait alors l'enfance anormale. Néanmoins, cette remise en cause ne se présente pas comme radicale, mais davantage comme une tentative de dialogue. Sa critique, au-delà d'une réévaluation nécessaire de la place donnée à l'individu, intègre les rapports de production au cœur des logiques de domination. À ce titre, Lainé insiste sur le travail quotidien qui consiste à éprouver ce qu'il nomme la « doctrine du secteur » en tant que nouvelle orientation institutionnelle qui émerge dans le courant des années 1950. Pour lui, « la psychiatrie de secteur n'est pas une entité abstraite mais un combat » (p. 179), qui sera notamment mené dans la pratique collective d'un secteur de neuropsychiatrie infantile en Essonne, dont il prendra la direction en 1971. La théorisation [End Page 272] de cette praxis singulière se donne à voir particulièrement dans la seconde partie du chapitre II, où les problématiques abordées font davantage écho aux problèmes sociaux qu'aux problèmes médicaux. Il en va ainsi de l'intégration scolaire (p. 205), de l'exclusion (p. 285 et 352) ou encore de la toxicomanie (p. 346), maux étudiés et sans cesse articulés avec leur signifiant social, avec l'idéologie dominante et avec les mécanismes structurels que celle-ci sous-tend.

L'engagement de Lainé se précise dans la suite de l'ouvrage autour de « combats » plus circonscrits à la pratique...

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