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  • Vaccinations. Le mythe du refus par Laurence Monnais
  • Laurent-Henri Vignaud
Vaccinations. Le mythe du refus Laurence Monnais Montréal : Les Presses de l'Université de Montréal, 2019, 281 p., 24,99 $

En matière de recherches sur des phénomènes aussi complexes que l'attitude des populations face aux politiques de santé, on ne soulignera jamais assez l'importance des études de cas. Ainsi, pour examiner la résistance contemporaine à la vaccination, Laurence Monnais choisit prudemment d'étudier dans le détail celle qui aurait contribué à l'épidémie de rougeole de 1989 au Canada, et plus spécifiquement au Québec où furent recensés 92 % des plus de dix mille cas, dont cinq morts. Nous employons à dessein le conditionnel aurait car, comme [End Page 313] le titre (volontiers provocateur) l'indique, l'auteure ne croit pas qu'il faille chercher dans le refus net et définitif des « antivax » la cause de la résurgence de cette maladie, pas plus qu'il ne faut assimiler vaccination (plus ou moins bien opérée) et immunisation (plus ou moins bien acquise) ou encore non-vaccination délibérée et non-vaccination fortuite (par négligence ou ignorance). C'est pour s'extraire salutairement de ce « manichéisme vaccinal » (p. 25) responsable de « vérités erronées » (p. 30) que L. Monnais décortique l'épidémie de 1989.

Les chapitres 1 et 2 reviennent d'abord sur son déroulement et les moyens prophylactiques mobilisés pour la combattre, chiffres à l'appui. Premier constat: 80 % des jeunes malades sont déclarés… vaccinés. Outre qu'une vaccination ne réussit pas toujours, il faut donc poser la question de la qualité des vaccins utilisés au Canada et, plus particulièrement, au Québec durant la période des années 1970 et 1980. C'est le premier « scoop » du livre: par souci d'indépendance à l'égard du puissant voisin étatsunien et de son quasi-monopole sur la fabrication d'un vaccin sûr et efficace contre la rougeole (combinés « rougeole-rubéole-oreillons » MMR 1 et 2 de la société Merck), les Canadiens partent à la recherche d'un vaccin « national » confiée aux laboratoires Connaught (Toronto) et Armand-Frappier (Montréal). Lorsque ces recherches aboutissent, en 1986, le vaccin combiné canadien se révèle plus cher – Merck a cassé ses prix pour étouffer la concurrence – et surtout plus dangereux en raison de sa souche de virus ourlien. À cela s'ajoute l'usage plus ancien de vaccins antirougeoleux à germes tués, moins susceptibles d'immuniser et n'offrant pas une bonne protection, notamment chez les adultes. Un doute sur l'âge auquel il faudrait vacciner (12 ou 15 mois) accroît encore la confusion. La nécessité d'un rappel ne fait pas non plus consensus parmi les immunologistes et le Cana-da s'y résoudra tardivement, en 1996.

Au-delà de ces hésitations à l'échelle fédérale, il reste à expliquer la singularité québécoise (chapitre 3). C'est une deuxième révélation de l'étude: le programme de santé publique du Québec s'avère à plus d'un titre dysfonctionnel au cours des années 1970 et 1980; une législation scolaire ambiguë laisse les adolescents du secondaire moins bien vaccinés que les enfants du primaire; c'est le laboratoire Frappier – dans un évident conflit d'intérêts – qui est chargé de faire les achats de vaccins pour la province, puis d'en assurer la distribution; l'administration se montre incapable de produire des statistiques fiables; et surtout, la réforme du système de santé entamée sous le premier gouvernement Bourassa se met en place de manière chaotique [End Page 314] et avec un manque de moyens criant. Les organismes provinciaux (DSC et CLSC) chargés de l'application d'une politique vaccinale pourtant ambitieuse se montrent défaillants et la médecine libérale, non officiellement associée au processus, ne fait guère mieux, chacun vaccinant comme il le peut et comme il l'entend. À certains endroits, les cliniques pratiquant la vaccination...

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