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  • Modèles et contre-modèles de comportement féminin dans Le septiesme tome des histoires tragiques de François de Belleforest
  • Hervé-Thomas Campangne

On évoque souvent, lorsqu'il est question des recueils d'histoires tragiques qui rencontrèrent un immense succès dans les années 1560–1630, les figures de femmes criminelles qui peuplent l'univers d'auteurs comme Pierre Boaistuau, François de Rosset, ou Jean-Pierre Camus. La célèbre Violente au nom si évocateur, mise en scène par l'inventeur du genre dans la cinquième de ses nouvelles tragiques, laisse exhaler sa fureur vengeresse en arrachant les yeux, la langue et le cœur de celui qui l'a abandonnée1. Violente est le modèle de ces nouvelles Médée qui feront frissonner les lecteurs d'histoires tragiques jusqu'au milieu du XVIIe siècle, type de personnage que l'on retrouvera aussi dans les canards d'information qui jouissent d'une grande popularité à l'époque qui nous intéresse.

François de Belleforest, dont les cinq volumes d'histoires tragiques publiés entre 1559 et 1582 ont permis au genre de se cristalliser tout en séduisant un vaste lectorat, fait très souvent appel, lui aussi, à des personnages de femmes criminelles vengeresses. Cependant, l'histoire tragique ne se limite pas à ce type de figure sous la plume de l'écrivain commingeois. Bien au contraire, elle met en scène une galerie de portraits féminins qui nous renseigne sur la condition souvent très difficile qui était celle des femmes dans la seconde moitié du XVIe siècle en France.

Sous la plume de Belleforest, l'histoire tragique a aussi pour vocation de présenter un ensemble de modèles et de contre-modèles de comportement féminin dont il conviendra d'étudier les enjeux et les modalités. Le septiesme tome des histoires tragiques de 1582 est la source des études de cas qui ont retenu notre attention. Dernier des volumes de la collection publié du vivant de Belleforest, Le septiesme tome conclut une série de textes qui constituent, à l'instar des Amadis de Gaule, de véritables best-sellers de la Renaissance. Le recueil de Belleforest contient douze nouvelles dont huit attribuent un rôle prédominant à des personnages féminins. En le dédiant à Jean Louis de Nogaret, l'auteur met en avant un style « tout masle, et genereux sans nul fard, et mignotise2 ». Pourtant, l'histoire tragique telle que la conçoit Belleforest s'adresse aussi et peut-être principalement, à un lectorat féminin qu'il s'agit d'édifier: rappelons que le tome quatre de la collection était dédié à Françoise [End Page 62] de la Baume, et s'adressait plus généralement aux dames qui « parent leurs chambres et cabinets » de livres d'histoires3. En adressant son Cinquiesme tome de 1570 à Antoinette de Touraine « Dame illustre, sage, vertueuse, chaste, courtoise et magnanime », Belleforest espérait également que son œuvre puisse courir « par les mains de la noblesse françoise4 ». Le témoignage de Jacques Yver, qui rend hommage au « riche thésaurier de la langue françoise » qu'est Belleforest dans l'avant-propos de son Printemps, ne laisse d'ailleurs aucun doute quant au succès rencontré par les Histoires tragiques auprès des lectrices de son temps:

Considérant quelquefois à part moi, bénin lecteur, combien grandes et illustres louanges les histoires tragiques de Bandel ont acquises parmi notre France, jusques à gagner tant de grâce, qu'aujourd'hui c'est une honte, entre les filles bien nourries et entre les mieux apprins courtisans, de les ignorer ; même ceux qui n'en peuvent orner leur langue, en ornent à tout le moins leurs mains par contenance5.

Quel type de discours et d'idéologie « les filles bien nourries » décrites par Jacques Yver pouvaient-elles découvrir en feuilletant un recueil comme le Septiesme tome des histoires tragiques ? Telle est la question à laquelle nous tenterons de répondre dans les pages qui suivent.

Le premier récit qui a retenu notre attention se focalise sur Boadic...

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