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  • Le Roman comme atelier. La scène de l'écriture dans les romans francophones contemporains by Lise Gauvin
  • Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo
Gauvin, Lise. Le Roman comme atelier. La scène de l'écriture dans les romans francophones contemporains. Paris, Karthala, 2019. ISBN 9782811126025. 189 p.

Dans son nouvel ouvrage, publié en 2019, Lise Gauvin revient une fois de plus sur huit de ses écrivains de prédilection (Patrick Chamoiseau, Assia Djebar, Réjean Ducharme, Maryse Condé, Alain Mabanckou, France Daigle, Dany Laferrière et Marie-Claire Blais) et se penche sur une question actuellement en vogue, à la suite des travaux de Jérôme Meizoz sur la posture d'auteur, celle des "scénographies postcoloniales d'auteurs" (Parisot). Elle s'y interroge sur la dimension métatextuelle et métafictionnelle de la littérature qui s'exprime dans des œuvres mettant en scène des romanciers fictifs "doubles plus ou moins avoués de leurs auteurs" (5). Par l'intercession de ces personnages-relais, le roman se fait atelier, dévoilant son processus de création, ce qui permet au lecteur d'observer le récit en train de se faire, voire de prendre part aux préoccupations auctoriales sur l'écriture.

Cet essai avait été devancé par divers travaux de l'auteure, dont le numéro 11 de Temps zéro de mars 2017, consacré aux "nouveaux romanciers fictifs de la littérature québécoise" dont elle reprend ici, en introduction, une partie de la présentation intitulée, dans la revue, "De l'éclatement des formes au roman performatif." Elle [End Page 239] exposait alors, au sein de ce collectif, ce qui fait le cœur de son essai: une "problématique de l'écriture inscrite dans la texture même du récit" (5). Son ouvrage tisse des questionnements abordés dans un ouvrage comme Écrire pour qui? L'écrivain francophone et ses publics (2007) et reprend rapidement des notions comme celle qu'elle a créée, et qui a fait date, de "surconscience linguistique" (L'Écrivain francophone à la croisée des langues) pour les infléchir, cette fois, vers l'étude de cette autre forme d'autoréflexivité qu'est la figure de l'écrivain interne à l'œuvre et qui pose la question du "pourquoi écrire" (5). Consciente que cette question a fait l'objet de nombreux travaux, elle cite les plus classiques, Michel Foucault avec Les Mots et les choses (1966), Lucien Dällenbach et Le Récit spéculaire (1977), Jean Ricardou et les Problèmes du Nouveau Roman (1967) (7), mais sa riche bibliographie en fait aussi figurer de nombreux autres, plus récents.

L'introduction de l'ouvrage reprend donc certaines de ses propositions antérieures sur ce qu'elle nomme le roman performatif, "c'est-à-dire des romans mettant en scène des figures diffractées d'auteurs ou de romanciers fictifs appliqués à décrire, sous forme de projet en gestation, le texte que le lecteur a sous les yeux" (10). Depuis longtemps, dans les littératures de langue française, apparaissent des personnages d'écrivains et une mise en scène de l'écriture qui en appellent à la participation du lecteur mais Lise Gauvin constate que la présence de l'autoréférentialité s'est intensifiée dans les textes postmodernes, voire semble constituer un gage de modernité. Outre l'esthétique parfois baroque qui se dégage de ce jeu avec les ressources de la littérature et les techniques du "trompe-l'œil" (8), elle note que le recours à la figure du double du romancier "signale un certain inconfort et une certaine intranquillité quant à la fonction même de l'écrivain [ … ] comme s'il fallait répondre" à la question "à quoi sert la littérature" (8) et ce, au risque de remettre en cause le statut même de la fiction romanesque. Ce qu'apportent les littératures francophones à ce doute souvent exprimé sur la fonction de la littérature, c'est sans doute une interrogation éthique plus urgente portant sur la responsabilité qu'elle est en mesure d'exercer face aux crises contemporaines globalisées. Les relais disséminés d'une...

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