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Reviewed by:
  • Selected Poetry and Prose of Évariste Parny (in English Translation, with French Text) ed. by Françoise Lionnet
  • Emmanuel Bruno Jean-François
Lionnet, Françoise, editor. Selected Poetry and Prose of Évariste Parny (in English Translation, with French Text). Trad. Peter Low and Blake Smith. New York, The Modern Language Association of America, 2018. ISBN 9781603293624. 262 p.

Le superbe recueil de textes du poète Évariste Parny, que nous propose de (re)découvrir Françoise Lionnet, mérite toute notre attention. Et ce, pour de multiples raisons qui tiennent aussi bien à l'écriture sublime de cet auteur francophone du dix-huitième siècle qu'aux qualités remarquables de l'ouvrage lui-même, ainsi qu'aux problématiques inhérentes à l'historiographie et à la traduction littéraires auxquelles il nous invite à réfléchir. Si l'édition en question donne à lire tant des poèmes que des textes en prose rigoureusement sélectionnés, la brillante introduction de Lionnet, ainsi que les excellentes traductions signées Peter Low et Black Smith, nous permettent en effet de mesurer et d'apprécier, suivant des perspectives résolument inédites, la contribution de Parny à la littérature de son époque, ainsi que l'influence trop souvent minorée de sa sensibilité déjà postcoloniale sur les générations futures d'écrivains francophones de l'océan Indien et d'au-delà.

Rappelons, à ce titre, que les Poésies érotiques (1778), ou encore les Chansons madécasses (1787) de Parny—déjà très appréciées au moment de leur publication—ont eu un impact considérable, bien que méconnu, sur l'évolution de la poésie française. Encensés par le lectorat parisien, jalousés par nombre de ses contemporains et admirés par le poète romantique Alexandre Pouchkine, le talent et la rare sensibilité du poète créole, né en 1753 à l'Île Bourbon (aujourd'hui l'île de La Réunion), s'imposent en effet à un moment où cette même pratique de la poésie lyrique est en mal de renouveau, deux siècles après Les Amours de Pierre Ronsard. Aussi, l'illustre passion à l'œuvre dans ses poèmes, ainsi que leurs emprunts osés au folklore et à l'oralité malgaches et indiaocéaniques, renouvellent le vers et la forme poétiques en français. Les poèmes de Parny enchantent et séduisent, surprennent et confondent, laissant avec le temps des traces manifestes dans les vers d'écrivains romantiques tels Chénier, Lamartine, Vigny, Musset ou encore Baudelaire, qui lui aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, a voyagé dans l'océan Indien. En 1803, au faîte de sa réputation, Parny devient d'ailleurs le premier écrivain non-métropolitain à se voir élire à l'Académie française: véritable gageure politique et institutionnelle, compte tenu des nombreux clichés dévalorisants qui circulent dans le cercle parisien à l'égard des colonies et des populations insulaires de l'océan Indien et de la Caraïbe. [End Page 221]

Avec la restauration, les textes satiriques et le style ambigu de Parny font pourtant vite l'objet de censure, faisant remonter à la surface des préjugés racistes et créolophobes déjà très répandus à l'époque. Par conséquent, comme le rappelle Lionnet, le poète devient, à sa mort, le seul membre de l'Académie à se voir privé d'un éloge censé être prononcé par son successeur, Victor-Joseph Étienne de Jouy: une première dans l'histoire de la prestigieuse institution et preuve, s'il en faut, du bannissement, voire de l'exclusion quasi-définitive de Parny du canon des lettres françaises. Et pour cause, le poète se verra dès lors injustement relégué au rang des grands oubliés de la critique et de l'historiographie littéraires françaises et francophones. Au fil des siècles, son nom tombe graduellement dans l'oubli au point que, malheureusement, peu se souviennent encore de sa précieuse contribution aux littératures d'expression française. Des quelques spécialistes de cette période...

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