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  • Hommage à Lilyan Kesteloot (1931–2018)
  • Kathleen Gyssels (bio)

Le 28 février 2018, Lilyan Kesteloot, l'historienne belge des lettres afrocaribéennes, est décédée à Paris à l'âge de 87 ans. Figure marquante de l'histoire de la littérature africaine et franco-caribéenne, Kesteloot eut un impact indiscutable et une influence remarquable sur des générations de professeurs, d'universitaires, de lecteurs et d'artistes de la diaspora africaine à travers le monde.

Née à Bruxelles d'une famille ostendaise qui possédait un commerce de trafic fluvial sur le Congo, la petite Lilyan eut une scolarité en français au Congo belge. Après dix-neuf ans passés dans la colonie, Kesteloot rentra au pays étudier la philologie romane à l'Université Catholique de Louvain où elle rédigea un mémoire de maîtrise sur Georges Bernanos (1953). Soutenant ensuite, en 1960, la première thèse sur la "Littérature négro-africaine de langue française" à l'Université Libre de Bruxelles, elle fut détachée de l'UNESCO et devint d'abord professeur à l'Université fédérale du Cameroun, puis à l'IFAN (Institut fondamental de l'Afrique noire, créé en 1936 à Dakar). Après sa retraite de l'Université Cheikh Anta Diop (qu'elle compte parmi les cinq grandes figures de la Négritude dans le volume publié avec Ari Gounongbé, Les Grandes figures de la Négritude: Paroles privées en 2007), elle continua d'assurer des cours et d'encadrer des doctorants. Œuvre remarquable, sa thèse fut publiée en 1963 avec l'aide de l'Institut Solvay sous le titre Les Écrivains noirs de langue française: Naissance d'une littérature. Ce texte servira de base à son Anthologie négro-africaine (1967) qui fera date, à laquelle elle travailla sans relâche et qui sera plusieurs fois revue et augmentée. Partageant son temps entre Dakar et Paris et effectuant d'innombrables missions dans les pays africains et de l'archipel caribéen, Kesteloot fréquenta hommes politiques et anthropologues (Michel Leiris, parmi d'autres) et resta l'amie de Senghor (dont l'épouse, Colette Cahour, est décédée récemment à Verson à l'âge de 94 ans), d'Henri Lopes, de René Depestre et d'Amadou Hampâté Bâ, (autre figure-clé qu'elle présenta dans Les Grandes Figures de la négritude: Paroles privées).

La première fois que je l'ai rencontrée, c'est à la conférence du Conseil International d'Études Francophones en Martinique, en 1992: les membres du CIÉF étaient allés voir Aimé Césaire, ami de longue date de Kesteloot, à la mairie de Fortde-France. Tandis que je m'approchais d'elle pour parler de la thèse que je préparais alors sur l'identité antillaise dans l'œuvre schwarz-bartienne, elle signait ses ouvrages, discutant avec ceux et celles qui le désiraient. Pieds nus, vêtue comme une [End Page 1] hippie de Woodstock, ses cheveux blonds nattés, Lilyan était extrêmement disponible. Elle me parla d'oraliture, de contes d'animaux et de l'importance d'aller rencontrer les auteurs eux-mêmes.

Jusqu'en janvier 2018, elle participa aux conférences de l'Institut de Textes et Manuscrits modernes à Paris et se réjouit de voir de nombreux événements organisés sur les Afropéens, en France et ailleurs dans le monde. C'est dans ce cadre que je la vis pour la dernière fois. L'esprit vif, Kesteloot commenta mes communications sur l'écrivain martiniquais Joseph Zobel ou sur son confrère guyanais, Léon-Gontran Damas. À l'aise dans tous les genres que compte l'Afrique (l'épopée mandingue et peule, les proverbes et les récits initiatiques, les contes et les premiers témoignages dans la tradition orale, les balbutiements africains, indoocéaniens, haïtiens), Kesteloot publia de nombreux ouvrages didactiques et des histoires littéraires. Son Anthologie négro-africaine. La littérature de 1918 à nos jours (publiée d'abord en 1967 avec le sous-titre Panorama critique des prosateurs, poètes et des dramaturges noirs du XXe si...

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