In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Le manque en partage. La poésie de Michel Beaulieu et Gilbert Langevin by Frédéric Rondeau
  • David Bélanger (bio)
Frédéric Rondeau, Le manque en partage. La poésie de Michel Beaulieu et Gilbert Langevin, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, coll. Nouvelles études québécoises, 2016, 330 p.

L'ouvrage de Frédéric Rondeau participe d'une tradition intellectuelle aujourd'hui—et dans le corpus québécois plus particulièrement—moins visitée, celle des monographies. Certes, Le manque en partage porte sur deux poètes, les unissant sous le couvert d'une même problématique; l'ouvrage ambitionne néanmoins une sorte d'exhaustivité dans l'analyse et, dans sa manière, rend effectivement compte de moult nuances, à travers un corpus conséquent, dans les œuvres de Michel Beaulieu et de Gilbert Langevin. Il convient d'entrée de jeu de saluer cette contribution aux connaissances, que Rondeau défend avec justesse dès son introduction: jamais ces poètes n'ont fait l'objet d'un tel regard englobant, d'une telle étude attentive, et leur œuvre justifie assurément cette démarche.

Si l'on peut parler de monographie, c'est bien parce que l'ouvrage sépare bien vite les deux auteurs en deux parties congrues; il existe ici et là des efforts pour exprimer les ressemblances entre les œuvres, les distinctions de même, mais celles-ci ne constituent pas le cœur de l'argumentaire. Dans l'introduction, Rondeau rapproche Beaulieu et Langevin sur la base de leur génération; ils sont trop jeunes pour appartenir aux aînés de l'Hexagone et autres poètes du pays—Gaston Miron, Jacques Brault, Roland Giguère, Paul-Marie Lapointe—, mais ils se gardent, pour autant, d'appartenir à ces mouvances esthétiques échafaudées sur une opposition à cette génération. Cet entre-deux permet effectivement d'unir les poètes et leurs œuvres, trempés dans la contre-culture: « La communauté de ces écrivains ne repose plus tellement sur un partage de caractéristiques sociologiques ou une même manière d'envisager la littérature, mais sur un état d'esprit—celui de ne pas être de son temps—, un sentiment diffus fondé sur des filiations et des voisinages multiples, tantôt actuels, tantôt anciens, voire anachroniques ». Ce refus théorique d'organiser l'appartenance se traduit, montre Rondeau, par un rejet de la politique—comme idéologie directe—, bien que les œuvres de Beaulieu et de Langevin ne soient pas exemptes du politique, au sens où l'entend Jacques Rancière. Cette nuance distingue donc les poètes des cohortes qui les encadrent; ils s'attachent aux « expériences quotidiennes » comme signes du réel, valorisent l'individu, le minoritaire, expriment une « loyauté à l'insoumission »: la charge politique, mais loin du pays, ou du Marx-Freud-Mao des années 1970, se fait ici lisible. De là Rondeau conceptualisera leur geste poétique comme « une filiation se définissant bien plus par la perte que par l'union », trouvant un solide appui dans la définition de la « communitas » offerte par Roberto Esposito: « la communitas est l'ensemble de personnes unies non pas par une "propriété", mais très exactement par un devoir ou par une dette non pas par un "plus", mais par un "moins", par un manque ». Ce manque définitionnel, déjà invoqué en littérature québécoise dans L'absence [End Page 410] du maître (2000) de Michel Biron, sera traqué tout au long de l'ouvrage à l'aide d'analyses fouillées. Moins porté par une microlecture formelle, le geste de lecture de Rondeau est toujours dans l'appréhension du sens, comme fuite à investir. À cet égard, l'ouvrage s'appuiera davantage sur la philosophie—Rancière, Agamben, Deleuze, Roszak, Foucault—que sur ce qu'on pourrait appeler la théorie littéraire. Néanmoins, convenons qu'une certaine filiation critique surgit ici et là, jonglant avec certains constats productifs d'André Belleau, de Michel Biron ou de Pierre Nepveu: sur l'autodidactisme et le formalisme, notamment.

Les...

pdf

Share