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Reviewed by:
  • L'ombre du roman by François Dumont
  • Éric Chevrette (bio)
François Dumont, L'ombre du roman, Montréal, Nota bene, 2017, 265 p.

Professeur titulaire au Département de littérature, théâtre et cinéma de l'Université Laval, François Dumont produit depuis de nombreuses années des travaux de premier ordre sur la poésie et l'essai. On lui doit entre autres une édition du Journal d'Hector de Saint-Denys Garneau en 2012, et l'anthologie Approches de l'essai, qui a bénéficié d'une réédition en 2017. Aussi propose-t-il dans son plus récent ouvrage, L'ombre du roman, une réflexion qui lui permet de faire converger ses intérêts de recherches relativement aux littératures non fictionnelles—en l'occurrence l'essai, les cahiers et carnets, et la poésie—en les sortant de manière positive (c'est-à-dire productive) de l'ombre romanesque éponyme dans laquelle ces genres sont souvent relégués. Dumont propose ici un essai littéraire à la fois savant et accessible, un travail dont l'un des intérêts réside indéniablement dans la volonté de rétablir pleinement les relations existant entre les littératures romanesque et non romanesque.

Il présente, pour ce faire, une lecture en trois temps (pour chacun des trois genres envisagés): l'essai est ainsi « placé sous le signe de la contradiction », les cahiers et carnets « abordés pour eux-mêmes et non en tant que brouillons », et la poésie est considérée « hors de la spécialité où elle est le plus souvent confinée ». Elles-mêmes subdivisées en six chapitres, les trois parties du livre (intitulées « Les contradictions de l'essai », « Tenir cahier » et « La poésie hors d'elle-même ») débutent par quelques pages de « notes ». Ces réflexions vont d'une phrase à quelques paragraphes, tantôt des considérations d'ordre général sur le genre abordé, tantôt des méditations plus personnelles. Leur teneur variée fait en sorte que ces notes trouvaient sans doute moins leur place à l'intérieur des analyses littéraires subséquentes. Il ne faudrait toutefois pas diminuer l'importance de ces préambules; couvrant collectivement une vingtaine de pages, les « notes sur l'essai », « sur les cahiers et carnets » et « sur la poésie » donnent un certain ton—lequel n'est certes pas étranger à l'allure poétique, à sauts et à gambades si chère au père de l'essai. D'ailleurs, comme Dumont le rappelle lui-même, « l'essai, chez Montaigne, fait percevoir [une] instabilité, à laquelle l'écriture s'adapte », entraînant un double mouvement essentiel—à la fois de l'écriture et de la pensée qui s'y trouve manifestée. Ce mouvement est perceptible dans la démarche globale de Dumont, entendu que son analyse ne vise pas une synthèse générique des littératures non romanesques, mais plutôt l'exposition [End Page 391] (somme toute réussie) de la nature surfaite et superfétatoire de frontières dures en littérature.

La première lecture proposée par Dumont est celle du recueil d'essais, La ligne du risque, que Pierre Vadeboncœur publie en 1963. Un tel choix est d'autant plus approprié que l'ouvrage de Dumont paraît dans la collection « La ligne du risque » chez Nota bene, ouvertement nommée en l'honneur du recueil des années 1960. Dumont met en valeur l'interrogation relative aux contradictions dont l'essai se fait le porteur autant que la cause, situation explorée et manifestée de diverses façons à travers les textes de Vadeboncœur. Il en va évidemment de la nature contradictoire de l'essai, dont l'essence est (du moins en partie) de « s'essayer » à la pensée contre un savoir normatif et les institutions qui le portent. Il s'agit dès lors d'une pratique paradoxale au sens premier du mot, c'est-à-dire d'une position qui va contre l'opinion commune; mais c'est aussi une pratique intrins...

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