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Reviewed by:
  • Histoire et mémoire au théâtre by Joël Beddows et Louise Frappier
  • Marie-Christine Lesage (bio)
Histoire et mémoire au théâtre, s. la dir. de Joël Beddows et Louise Frappier, Québec, Presses de l'Université Laval, coll. Prespectives contemporaines, 2016, 288 p., 34,95$

L'ouvrage collectif préparé par Joël Beddows et Louise Frappier, tous deux professeurs à l'Université d'Ottawa, aborde les fonctions de l'histoire et de la mémoire dans le théâtre, à partir d'une perspective renouvelée qui définit l'histoire comme une praxis mémorielle plutôt que comme l'objet d'un récit linéaire d'ensemble. Dans leur introduction, ils défendent l'idée selon laquelle [End Page 386] « l'histoire n'est plus considérée comme un objet a priori scientifique, mais situé à la croisée des chemins: ceux de la remémoration en tant que geste concret, du changement des paradigmes politique et social qui l'accompagne et de l'aspect esthétique implicite à toute forme de mise en récit ». L'histoire, de ce point de vue, est une activité qui se fait en direct, voire qui se performe, la « représentation de l'histoire constitu[ant] même une forme de performance ». La référence à la notion de présentisme développée par François Hartog per-met de saisir cette nouvelle façon d'articuler un rapport au temps dorénavant dominé par le présent. À cet égard, signalons au passage la parution, en 2018, de l'ouvrage intitulé Défaire la tyrannie du présent de Jérôme Baschet (Paris, La Découverte) qui prolonge la réflexion de Hartog sur la notion de présentisme suivant un regard plus critique: « Le présentisme, explique l'auteur, exacerbe une difficulté à s'inscrire dans l'expérience vécue: ce qui est éprouvé comme un tourbillon d'événements épars et confus peine à se muer en expérience à la fois constitutive de son propre devenir et partageable. À cela s'ajoutent une capacité faible à symboliser et s'approprier les informations reçues ». Dans leur introduction, Beddows et Frappier défendent une approche pragmatique qui ausculte les lieux où l'histoire et la mémoire se performent dans/par le théâtre, s'opposant de la sorte à une histoire fondée sur les œuvres canonisées, la chronologie et la synthèse, pour privilégier une multiplication des points de vue, ce qui d'emblée paraît s'opposer aussi aux vices du présentisme tel que défini par Baschet. L'histoire comme performance permet-elle de muer en expérience partageable la complexité événementielle d'un temps dominé par l'immédiat?

L'ouvrage dans son ensemble offre de belles contributions, quoique très hétérogènes, qui gravitent autour de cette problématique. Cela dit, on aurait volontiers apprécié de lire un texte plus développé de la part des codirecteurs, car ils sèment des pistes de réflexions très pertinentes qui auraient appelé un approfondissement, ce que la section « Prolégomènes » aurait pu accueillir. Le texte de Freddie Rokem qui occupe cette place développe une pensée sur les rapports entre histoire, poésie philosophie et jeu, à partir de la question suivante: « quelles sont les possibilités pour l'art, et le théâtre en particulier, d'atteindre un degré de compréhension et de connaissance de l'Histoire significatif? » Selon l'auteur, les représentations esthétiques agissent à la fois en s'immergeant dans l'immédiateté de l'événement historique et en offrant des lectures rétrospectives de l'Histoire, qui réfléchissent aux enjeux éthiques de ceux-ci. Cette « dialectique » serait un élément déterminant dans la « performance » de l'histoire et en permettrait une meilleure compréhension que la lecture de livres d'histoire traditionnels. La seconde partie de son texte déploie une analyse de ce qu'il nomme les dramaturgies du mouvement et du voyage élaborées par Brecht et Benjamin au cours de leurs déplacements forcés. Ces prol...

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