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  • Guerre et texte sous l'Ancien Régime: réécriture, procédés et enjeux by Marie-Ange Croft et Roxanne Roy
  • Christian Veilleux (bio)
Guerre et texte sous l'Ancien Régime: réécriture, procédés et enjeux, s. la dir. de Marie-Ange Croft et Roxanne Roy, Tangence, n° 111, 2016, 169 p.

Malgré la tendance des études sur l'histoire militaire de l'Ancien Régime à prendre en considération des écrits littéraires de tout genre comme complément aux documents historiographiques, la place et le rôle de la guerre dans les belles-lettres demeurent peu étudiés, du moins en proportion des nombreuses avenues qu'offre ce champ de recherche. Un versant a été mieux défriché que les autres: la représentation de la violence, surtout celle ayant accompagné le mouvement de confessionnalisation au XVIe siècle. Dressant ce constat, Marie-Ange Croft et Roxanne Roy regroupent dans ce numéro de Tangence huit articles desquels se dégage un tableau tout en nuances où se lit le souci de ne pas oblitérer le lustre chevaleresque de la topique guerrière, éclat que les guerres de Religion n'ont pas suffi à ternir tout à fait. Au moment où la mémoire collective est saturée de ses excès, la guerre trouve une forme de valorisation dans la richesse de ses potentialités scripturaires. Au fil du recueil, celles-ci sont envisagées dans des formes aussi variées que le roman, la nouvelle, la comédie, la poésie héroï-comique, l'essai, le récit colonial, les éloges collectifs de femmes et les écrits diplomatiques.

Le rapport entre la guerre et la littérature est soumis à un examen particulièrement frappant dans les deux premiers articles, où les auteurs s'intéressent [End Page 376] à la fois à la thématisation de figures guerrières et à l'emploi de métaphores militaires visant à illustrer un aspect du discours. Luc Vaillancourt commente l'idée d'un parler « soldatesque » dans les Essais. Cette image de l'idéal stylistique de Montaigne évoque sa prédilection pour les auteurs dont l'expression est vive, authentique et plus volontiers brusque que platement soignée. César est exemplaire sous ce rapport, si bien que l'admiration pour l'homme de guerre se confond avec celle pour l'auteur des Commentaires. Or, du premier au troisième livre, l'essayiste délaisse progressivement le héros romain et ménage une place de plus en plus importante à la figure d'Alexandre. La préférence accordée au Macédonien s'expliquerait par les retombées unifiantes de son obsession conquérante, alors qu'une telle cohésion politique n'a pas couronné l'ambition césarienne: « Et c'est peut-être là que réside la clé de cette exaltation étonnante des génies militaires dans les Essais, dans la mesure où ils ont la capacité de transformer le visage du monde de manière concrète et durable, ce à quoi peu de philosophes peuvent prétendre ». Toutefois, loin de s'opposer à l'érudition des sages, la vigueur soldatesque sert à imager la nécessité d'une philosophie « vigoureuse » et appliquée, ancrage auquel concourt l'écriture lorsqu'elle vise la connaissance de soi. Aussi Montaigne, dans une optique délibérative plutôt qu'élégiaque, en vient-il à substituer le parallèle Socrate/Alexandre au rapprochement César/Alexandre, plus attendu.

En plus d'évoquer l'énergie du style, la guerre agit comme métaphore d'une tradition littéraire dans le corpus qu'étudie Renée-Claude Breitenstein, formé d'éloges collectifs du sexe féminin. La Querelle des femmes y est représentée comme une guerre métaphorique. L'auteure note une corrélation nette entre la tonalité invective employée dans plusieurs de ces textes et le recours soutenu à la métaphore de la guerre, comme c'est le cas dans Le fort inexpugnable de l'honneur du sexe feminin de François de Billon. En relayant le combat allégorique, les appareils paratextuel et iconographique renforcent la posture belliqueuse des auteurs, font de l...

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