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  • Théâtre
  • Nicole Nolette (bio)

Dans l'un des textes de théâtre les plus frappants de 2017, Manifeste de la Jeune-Fille, Olivier Choinière fait le procès de la figure de la Jeune-Fille, tournant habilement cette « figure de l'intégration totale » en « totalité sociale en désintégration ». Le texte de Choinière n'est pas une adaptation théâtrale des Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille de la revue Tiqqun (comme celle qu'on a vue il y a quelques années avec le Bureau de l'APA), mais plutôt un texte qui s'en inspire. Comme le collectif Tiqqun, Choinière ne s'en tient pas à une seule cible, s'attaquant de manière acerbe à une série de sujets de nature sociopolitique dont la jeunesse, la féminité, l'engagement, l'entichement pour le réel dans le théâtre contemporain, ainsi que le milieu du théâtre québécois auquel il participe. Ce sont bien les enjeux que soulèvent ses contemporains sur un ton sérieux, interrogatoire ou ironique dans la production théâtrale de 2017.

la jeune-fille et les filles en crisse

La pièce-manifeste de Choinière l'énonce dès l'ouverture: « La Jeune-Fille n'a pas d'âge ni de sexe. Elle est le jeunisme tout genre. » Plusieurs Jeunes-Filles habitent pourtant le monde de Moule Robert de Martin Bellemare, certaines toutes petites à la garderie, d'autres adolescentes. Elles ont en commun la culture du viol qui gravite autour d'elles, qu'elles en soient les victimes ou les sujets d'accusations. Dans l'intrigue principale, un homme dans la trentaine, Robert Moule, serre le bras d'une petite fille de la garderie qui crie à l'abus. Ailleurs, le père de cette fille, le très suspicieusement dénommé Robert Goule, [End Page 341] se rapproche de l'adolescente Laure: « Robert Goule se met la main sur le sexe / Ailleurs / Laure est en elle / Robert Goule aussi est en elle ». Pour sa part, Laure demeure « Toujours consentante / De seize à vingt-six ans // Attirée par l'interdit / Fébrile de profiter de la vie / Convaincue par les enseignements qu'y me donne ». Alors que ce rapport entre Robert Goule et Laure reste secret, Robert Moule (avec un M), accusé par la population, « reçoi[t] des menaces de mort » aussi infondées que l'accusation d'abus sexuel: « Crève sale pédo / Crève sale arabe / Crève salaud / Crève enculé / Crève sale juif ». Il consulte une psychologue sur les conseils de la directrice d'école qui répète qu'elle peut bien le croire mais qu'« [o]n a pas le droit de toucher aux enfants ». Il reprend sa vie et a l'idée, vite abandonnée, de créer un festival. Pour la suite: « La poursuite contre Robert Moule se règle hors cours / La poursuite se règle dans Robert Moule / Y passe au travers de la culpabilité comme on traverse la nuit ». Dans ces répliques comme dans les autres, la précision exquise de la forme conçue par Martin Bellemare se partage les voies dramatiques et épiques. Environ quatre « narrateurs-trice-s » interviennent et jouent aussi une vingtaine de personnages: une éducatrice, un bonhomme, Napoléon Bonaparte, la psy, Pablo Escobar et Ayn Rand. Le récit comme le dialogue enferment Robert Moule, alors que le texte dramatique lui-même, astucieusement ambivalent, fait valoir autant la victimisation de la jeune fille que celle d'un bon homme, ou bonhomme, en proie à la cruauté de sa société.

Des jeunes filles, il y en a aussi au moins trois en quête d'expériences dignes de la pornographie dans le fantasque Doggy dans Gravel d'Olivier Arteau. Elles sont accompagnées de cinq scouts, d'une mère, d'un pompiste et d'un Peter Pan assis au centre de la scène à l'entrée du public. L'action tourne autour d'un après-bal dans un champ à Saint-Polycarpe. Scout 5, en trottinette: « On s'turn on / su' nos si...

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