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  • Nouvelle
  • Michel Lord (bio)

La nouvelle tendance est certainement depuis quelques années aux recueils de nouvelles qu'on cherche à faire ressembler à des romans par fragments. J'en commenterai plusieurs exemples éloquents tout au long de ma chronique. Mais tous les agencements demeurent possibles, nouvelles fermées sur ellesmêmes ou plutôt ouvertes aux autres qui l'entourent demeurant le privilège de chaque nouvellier. Chose certaine, les thématiques, tout en demeurant aussi très variées, me semblent dominées par ce qui est le plus sombre et des plus inquiétant : la solitude, la mort, la fin de la vie … On ne s'étonnera pas que ce soit aussi le cas du roman. Quant aux raisons précises, elles restent à trouver, mais personne ne sera surpris de constater que les écrivains demeurent les témoins privilégiés de notre époque troublée, troublante, inquiétante comme jamais. Comme si nous vivions dans une fin de siècle permanente.

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Avant tout, je désire parler d'un recueil de 2016, oublié malencontreusement sur mes tablettes. Surtout qu'il mérite tout à fait notre attention. Il s'agit du livre d'Agnès Gruda, qui fait partie de ces femmes journalistes—dont Germaine Guèvremont, Adrienne Choquette et Gabrielle Roy—qui jalonnent l'histoire du Québec, passant de l'écriture du quotidien à celle de la nouvelle et du roman, l'une nourrisant l'autre. Forcément, même si l'auteure avoue qu'« il a fallu [qu'elle se] libère de [s]es tics d'écriture journalistique [et que] ça a été un processus assez long d'ailleurs » (Voir Mauricie, 8 avril 2010). On ne peut par ailleurs oublier qu'elle a eu une autre grande devancière en littérature en la personne d'Alice Parizeau, d'origine polonaise comme elle. Arrivée à l'âge [End Page 285] de 12 ans au Québec, Agnès Gruda s'intègre admirablement au pays, devenant journaliste de La Presse. Avec Mourir, mais pas trop, elle offre son second recueil de nouvelles, thématique comme le premier (Onze petites trahisons), cette fois traversé par le motif de la mort, modulé dans des scénarios divers qui évitent la redondance et la monotonie. Des onze nouvelles, certaines se font écho de la manière la plus habile. Ainsi « Objets inanimés » et « Objets inanimés (suite) » mettent en scène Olek, un jeune garçon de 10 ans, d'abord à Varsovie, qui doit rejoindre ses parents qui ont fui à l'étranger. Mais avant le départ définitif, il reste avec sa grand-mère qui le laisse jouer avec ses boutons de couturière. Le garçon fait jouer à ces derniers le rôle de « soldats [qui fuient] les nazis par les canaux de Varsovie ». Un jour, ces boutons ne donnent plus « aucun signe de vie ». Un peu avant son départ, il a une « éblouissante révélation » : « [B]ientôt, je ne serais plus tout à fait moi. […] Je serais alors un peu mort, moi aussi ». Comme ses boutons. Mais il y aura une sorte de résurrection, dans « Objets inanimés (suite) », placé juste avant la dernière nouvelle, Olek devenu adulte revenant sur les lieux de son enfance en Pologne. Il y rencontre son double dans un scénario des plus bizarres puis parvient à revoir l'appartement de jadis où les nouveaux occupants lui donnent une boîte de boutons que sa grand-mère avait gardée pour lui. Il repart avec ses boutons « le cœur plus léger, tout à coup ». La mort semble euphémisée. Ce qui ne sera pas le cas dans toutes les nouvelles. Avant d'arriver au point ultime, je donne quelques exemples de ces variations sur le motif de la mort. Celle-ci est symbolique dans « Si tu meurs, je te tue », une femme retrouvant par hasard sur Facebook l'image d'un homme chauve, restes d'un amour d'adolescence. Quand ils se revoient, elle déchante. Celui qui avait été poète exalté était devenu quelqu'un qui « s'exprimait comme un vendeur d'aspirateurs ». Cet homme était mort pour elle : « Alors...

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