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  • Vie de Rancé by François-René de Chateaubriand
  • Yves Laberge
François-René de Chateaubriand, Vie de Rancé. Édition de Georges Condominas. (Littérature et civilisation, 667.) Paris: Flammarion, 2018. 279 pp.

Diplomate et historien, François-René de Chateaubriand (1768–1848) reste célèbre pour le style flamboyant de ses romans mais aussi pour Génie du christianisme (1802) et ses Mémoires d’outre-tombe (1849). Victor Hugo l’admirait. Le dernier livre écrit par Chateaubriand est une biographie de l’abbé Armand Le Bouthillier de Rancé (1626–1700), docteur diplômé de la Sorbonne, lui-même auteur de quelques ouvrages religieux. Une édition antérieure de Vie de Rancé était parue (éditée au Club français du livre, en 1969), avec une préface du grand historien Henri Guillemin. Comme on le voit dans les premiers chapitres, cet ecclésiastique avait ceci de particulier qu’il avait connu une vie mondaine durant sa jeunesse et fréquentait le gratin parisien de son temps avant d’entrer dans les ordres. Proche de la Cour de France et des autorités catholiques au Vatican, Rancé n’échappa pas aux intrigues et aux médisances. Les historiens le savent car même [End Page 462] la volumineuse Correspondance de l’abbé de Rancé a été publiée en quatre volumes (Paris: Cerf, 1993). L’intérêt de cet ultime livre est double: ayant dépassé les soixante-quinze ans, Chateaubriand était au sommet de son art et ne pouvait s’empêcher d’établir — plus ou moins consciemment — des parallèles entre le parcours de l’abbé et le sien propre: ‘On accepte que parlant de Rancé, ce soit surtout de lui-même que René [de Chateaubriand] nous entretienne’ (p. 221), observe admirativement le sociologue Georges Condominas. L’indispensable postface de Condominas contextualise l’œuvre et rappelle l’intérêt que Sainte-Beuve, Julien Benda, Julien Gracq, Roland Barthes lui ont porté avant de ‘souligner la modernité de Chateaubriand dans ce livre’ (p. 215). Dans ses notes en fin de volume, Condominas situe, prolonge et actualise certains passages du texte de Chateaubriand, notamment par des références inattendues à des penseurs comme Luc Boltanski ou encore Niklas Luhmann. Il faut bien l’admettre: n’importe quelle biographie consacrée à l’abbé de Rancé qui serait écrite par quelqu’un d’autre que Chateaubriand serait bien moins intéressante; la plénitude stylistique de l’auteur d’Atala (1801) et de René (1802) reste inimitable et inégalable. Ainsi, afin de raconter le moment fatidique où Rancé renonce à la vie terrestre pour entrer dans les ordres, Chateaubriand écrit, solennellement: ‘Ici commence la nouvelle vie de Rancé: il rompt avec sa jeunesse, il la chasse et ne la revoit plus. Nous l’avons rencontré dans ses égarements, nous allons le retrouver dans ses austérités. La pénitence était son arrière-garde; il se mettait à sa tête, se retournait, et donnait avec elle sur le monde. Il paraissait dans son extérieur, disent les historiens, une majesté qui ne pouvait venir que du Dieu de majesté’ (p. 109). Une courte chronologie — de Rancé puis de Chateaubriand — complète ce volume, injustement méconnu.

Yves Laberge
Université d’Ottawa
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