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  • Le Prince des clercs: ‘Barlaam et Josaphat’ ou l’art du recueil par Marion Uhlig
  • Tania Van Hemelryck
Le Prince des clercs: ‘Barlaam et Josaphat’ ou l’art du recueil. Par Marion Uhlig. (Publications romanes et françaises, 268.) Genève: Droz, 2018. 549 pp.

Ce n’est que depuis le dix-neuvième siècle et les travaux précurseurs d’Édouard de Laboulaye (voir ‘Le Barlaam et Josaphat et le Lalitavistara’, Journal des débats (26 juillet 1859)) [End Page 618] que la critique a identifié les origines orientales de Barlaam et Josaphat, y reconnaissant l’adaptation christianisée de la vie du Bouddha, caché sous les traits de Josaphat. Sans avoir connaissance de ce substrat oriental, la légende des deux saints connut un succès important du Moyen Âge aux siècles suivants. Pourtant, comme le note Marion Uhlig dans son étude, ‘Baarlam et Josaphat est un texte dont on parle, mais qu’on ne lit pas, plutôt que l’on ne lit plus’ (p. 17). Le propos de l’ouvrage sera donc d’en offrir une nouvelle lecture, qui dépasserait les approches traditionnelles et passées réservées à Barlaam et Josaphat, qui entendaient avant tout retracer la tradition française de l’œuvre, voire en identifier le cheminement pour en découvrir l’origine (citons la seule monographie consacrée à la tradition française: Jean Sonet, Le Roman de ‘Barlaam et Josaphat’, i: Recherches sur la tradition manuscrite latine et française (Louvain: Bibliothèque de l’Université, 1949)). Afin de comprendre pourquoi ce recueil de fables connut un tel succès, l’autrice propose d’envisager les modalités de lecture dont le texte a fait l’objet au Moyen Âge. Même si elle fait œuvre nouvelle par son étude, Uhlig reconnaît justement l’héritage critique (je me limite à celui concernant le texte, n’abordant pas les avancées critiques significatives sur les recueils (des origines au quinzième siècle) depuis quelques années) dans lequel elle s’inscrit, notamment le projet de recherche de Matthias Meyer et Constanza Cordoni sur la tradition européenne de la légende. Uhlig mène l’enquête avec finesse et intelligence au fil des quasi cinq cents pages, qui constituent cette stimulante étude, pour aboutir à une conclusion dont les résultats dépassent Barlaam et Josaphat et permettent d’envisager de manière novatrice la constitution des manuscrits-recueils des premiers siècles. En effet, Uhlig suggère de ne plus limiter l’approche critique du manuscrit-recueil à une question de ‘réception’, mais d’y associer également une attention à la dimension créatrice du fait littéraire médiéval à l’œuvre dans ce geste codicologique. Comme elle le démontre par l’analyse minutieuse de quatre manuscrits (Monte Cassino, Biblioteca della Badia, MS 329; Paris, BnF, MS f.fr. 1553 (anc. 7595); Oxford, MS Jesus College 29 (part II, fol. 144–257); Londres, BL, MS Cotton Caligula A.ix), le recueil des treizième et quatorzième siècles ne se limite pas à un assemblage factuel d’unités codicologiques distinctes et de textes indépendants dans un souci de conservation; il est le témoin d’un mode de pensée spécifique. L’étude d’Uhlig met en évidence les liens inextricables entre une approche raisonnée de l’étude des manuscrits et des textes, au-delà de nos perspectives traditionnelles, pour enfin aboutir à une compréhension globale du fait littéraire médiéval, c’est-à-dire une approche soucieuse tant du codex que du texte. Et l’autrice de conclure son étude sur ces éclairants mots: ‘Notre recueil de fables enchâssées sert de machine à penser l’essor de supports visant à la préservation et à la transmission des connaissances, qui agissent en retour sur la nature même de ces connaissances, même si ce déploiements a ensuite lieu en son absence. Au fond, Barlaam et Josaphat n’est pas l’Arlésienne de la littérature, il en est l’arcane’ (p. 471).

Tania Van Hemelryck
Université catholique de Louvain
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