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  • La Passion de l’impossible: une histoire du récit au xxe siècle par Dominique Rabaté
  • Alexandre Burin
La Passion de l’impossible: une histoire du récit au xxe siècle. Par Dominique Rabaté. (Les Essais.) Paris: José Corti, 2018. 256 pp.

‘La modernité commence avec la recherche d’une Littérature impossible’ (Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture (Paris: Seuil, 1972), p. 31). C’est par cette déclaration de Barthes que la nouvelle étude de Dominique Rabaté s’ouvre. Il y propose, dans la continuité de ses recherches sur le récit (notamment Vers une littérature de l’épuisement (Paris: José Corti, 1991; réédité en 2004), de dessiner une histoire de la marge du roman en faisant ‘l’hypothèse du récit’ (p. 16; souligné dans l’original) et de ses multiples devenirs dans la littérature du vingtième siècle. Si le point de départ des réflexions de l’auteur sur la question du récit s’organise autour du Bavard (1946) de Louis-René Des Forêts, il s’attache néanmoins à étudier l’aspect dynamique et productif de cette forme instable à travers une myriade d’auteurs, d’André Gide et Paul Valéry à Pierre Michon et Pascal Quignard. Cette histoire de l’impossible, entre narration et théorie, constitue la première partie de cet ouvrage. Il s’agit d’y faire le ‘récit du récit’ (p. 26), forme expérimentale qui se développe à l’ombre du roman et offre de nouvelles possibilités de raconter. Rabaté dresse ainsi avec brio une temporalité des moments significatifs du récit, depuis son invention [End Page 644] en 1895 et 1896 avec Paludes de Gide et Monsieur Teste de Valéry et ses multiples explorations par la suite, en interrogeant de manière constante le fonctionnement d’une narration — et son impossibilité (‘moteur paradoxal à une exploration de l’espace littéraire’, p. 33). Sont ainsi traités les thèmes de la réflexivité, l’immobilité, l’expérience des limites, la souveraineté bataillienne et le désœuvrement blanchotien, la fragmentation, l’événementialité, l’imposture, la rupture, les voix multiples et la fiction de l’impossible, etc. — bref, de nouvelles façons de dire. Dans un deuxième temps, l’auteur dresse quelques études de cas qui regroupent quatre auteurs en particulier: Georges Bataille, Henri Thomas, Maurice Blanchot et Samuel Beckett. Ici, la contre-histoire du récit (particulièrement intéressante pour comprendre les stratégies narratives en jeu tout au long du vingtième siècle) laisse place à une proposition de lecture de ces différentes œuvres. Mais, selon Rabaté, cette histoire de l’impossible, qui ne se fait pas sans une constante ‘recherche d’une définition et d’une essence, même paradoxale, de la Littérature’ (p. 234), semble toucher à sa fin. En citant notamment l’étude Réparer le monde: la littérature française face au xxie siècle d’Alexandre Geffen (Paris: José Corti, 2017), il évoque le tournant théra-peutique ou pragmatique de la littérature qui viendraient la réaffirmer comme espace des possibles: ‘[l]e climat d’une époque [ . . .] est manifestement tourné vers une positivité de la chose littéraire, qui paraît aux antipodes de la passion de l’impossible qui avait animé la littérature du siècle écoulé’ (p. 235). Pour autant, cette fin de la modernité peut s’aborder comme ‘une sorte de farce sérieuse’ (p. 238) — et donc à travers le renouvellement de ses dispositifs poétiques et théoriques, comme s’emploie à le faire, par exemple, Olivier Cadiot et son projet de réenchantement des formes.

Alexandre Burin
Durham University
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