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Reviewed by:
  • Édouard Glissant: A Poetics of Resistance by Sam Coombes
  • Hugues Azérad
Édouard Glissant: A Poetics of Resistance. By Sam Coombes. London: Bloomsbury Academic, 2018. 199 pp.

Cette étude frappe par l’intelligence de sa composition et de son argumentaire, qui permettent de brosser un portrait inédit d’Édouard Glissant en penseur du monde globalisé d’aujourd’hui, et en guide pour une dissidence post-globalisation conçue à nouveaux frais. Sam Coombes se concentre sur les derniers essais de Glissant publiés depuis Poétique de la Relation (1990), tout en puisant avec discernement dans son œuvre théorique plus ancienne ainsi que ses manifestes et entretiens. Toute la pensée de Glissant est présentée dans les deux premières parties, ne laissant de côté aucun des grands concepts (Patrick [End Page 146] Chamoiseau préfère parler de ‘poécepts’) qui agissent sa pensée profondément anti-systématique. Coombes la met constamment en contact avec les enjeux de la globalisation et les mouvements de résistance qui s’y opposent (Alter-Globalisation Movement, Global Justice Movement), ainsi qu’avec ses détracteurs qui ont pris à partie le tournant désengagé et postmoderne de Glissant, sa quasi-apostasie politique. La pédagogie exigeante de ce livre, qui en fait désormais un jalon indispensable et une brillante introduction, trace les cheminements de l’engagement anti-colonial glissantien qui s’étend et s’élargit en propositions, ruses et stratagèmes de luttes concrètes qui ne donnent aucune prise aux universalismes entachés d’injustice, devenus selon Glissant autant obsolètes qu’aporétiques. La pensée de Glissant reste insaisissable et se veut comme telle — c’est sa stratégie d’attaque et de défense — fourbie dans les marges et les décombres d’un empire français à bout de souffle, mais elle fonctionne par des liens qui trament une nouvelle approche des impensés du monde, sa nature imprévisible et chaotique en premier lieu, ainsi que sa dérive progressive vers une archipélisation et créolisation soucieuses de la totalité des lieux, langues et peuples. Ayant équipé le lecteur des aspects clés de la pensée glissantienne, Coombes entreprend ensuite une réévaluation de l’auteur martiniquais pour le dégager de ses critiques et en révéler au contraire son engagement renouvelé. Il s’agit dès le début chez Glissant de sortir des oppositions binaires qui ont fait partie intégrante de la culture politique ‘globale’ et de l’histoire occidentale; juger toutefois Glissant à l’aune d’une rationalité et d’une politique émancipatrice qui n’avaient pu se délester de leur poids d’universel et de croyance en des notions d’unicité et d’absolu (que ce soit en termes de nation, de race et de classe) serait lui faire un procès d’intention sans doute nécessaire, mais qui risque d’assourdir la teneur de son engagement indéfectible depuis 1946. Redonnant sa part de fine complexité à une pensée dépouillée des atours et réflexes habituels, Coombes sait aussi s’appuyer sur ses précédents travaux sur Sartre, pour donner à sa lecture une lucidité neuve et historiquement précise. La dernière partie du livre offre une lecture passionnante des récentes résistances à la globalisation, qui tentent d’affirmer qu’un autre monde, plus juste et respectueux, est possible. Qualifier ces pensées d’utopisme, dans l’acception créée par une alliance tendue mais productive entre l’utopie et l’anarchisme, c’est pour Coombes s’essayer à défendre Glissant en allié substantiel de ces mouvances qui refusent toute hiérarchisation et imaginent, le mot est dit, une poétique du monde qui en soit indissolublement aussi sa politique enfin éclose.

Hugues Azérad
Magdalene College, Cambridge
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