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  • Émile Borel: une carrière intellectuelle sous la IIIe République par Michel Pinault
  • Luc Fraisse
Émile Borel: une carrière intellectuelle sous la IIIe République. Par Michel Pinault. (Acteurs de la science.) Paris, L’Harmattan, 2017. 635 pp.

Une grande synthèse est la bienvenue s’agissant d’Émile Borel (1871–1956), qui présente l’originalité d’avoir mené de front des recherches poussées dans le domaine des mathématiques et une carrière politique de premier plan. Michel Pinault souligne de fait que le champ des intellectuels scientifiques est peu exploré par les historiens. Lui-même a mené une enquête extrêmement fouillée, comme en témoigne une bibliographie abondante complétée par des sources inédites nombreuses, constituées de fonds d’archives. Un tel ensemble donne vie au personnage, en situant dans le cadre de son existence concrète et de son évolution sociale le développement de sa pensée, scientifique comme politique. Cette biographie intellectuelle se développe en cinq parties suivant un ordre chronologique: ‘Naissance et affirmation d’un intellectuel de réseaux’, ‘Nouveaux Réseaux, nouveaux engagements (1918–1924)’, ‘Une action politique pour et par la science’, ‘La Quête de pouvoir d’un “intellectuel de pouvoir” (1924–1940)’, et ‘La Fin de carrière d’un grand mandarin et d’un notable respecté’. En tant que mathématicien, Borel est prolifique, ce que permet de contrôler un recensement très exhaustif de ses publications (ouvrages mais aussi articles dispersés). Ses domaines sont la théorie des fonctions, le calcul des probabilités, la théorie des nombres. Il concourt à la fondation de la Revue du mois en 1906. Son ouvrage Le Hasard (Paris: Alcan, 1914), met en scène les probabilités à travers l’exemple célèbre des singes dactylographes qui restera attaché à son nom et se formule ainsi: ‘Concevons qu’on ait dressé un million de singes à frapper au hasard sur les touches d’une machine à écrire et que ces singes travaillent avec ardeur dix heures par jour avec un million de machines à écrire. Au bout d’un an, ces volumes se trouveraient renfermer la copie exacte des livres de toute nature et de toutes langues conservés dans les plus riches bibliothèques du monde’ (Le Hasard, pp. 164–65). Borel a également discuté les positions d’Einstein et publie L’Espace et le temps (Paris: Alcan, 1922). S’y ajoutent de nombreux manuels d’enseignement. Quant à sa vocation d’homme politique, elle naît au sein du groupe des normaliens dreyfusards auquel il appartient. La transition de la science à la politique se fait peut-être au moment de participer activement à l’Université populaire, avant l’engagement en 1908 à la Ligue républicaine d’action populaire. Prenant au plan international le parti d’un pacifisme européen, le mathématicien devient député radical de l’Aveyron en 1924, exerçant plusieurs mandats successifs. Il se trouve en situation de réfléchir plus particulièrement au financement de la recherche scientifique, habité par un idéalisme optimiste lui faisant considérer que la science correspond aux lois rationnelles de l’univers, et par là renferme une valeur éducative. Borel est enfin un homme de culture, aux côtés de son épouse Marguerite, romancière connue sous le nom de Camille Marbo: toute une société artistique et intellectuelle, littéraire et philosophique, gravite autour de leurs ‘jeudis’. Un index développé clôt ce parcours à la fois vivant, très diversifié et fouillé. [End Page 138]

Luc Fraisse
Université de Strasbourg/Institut universitaire de France
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