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Reviewed by:
  • Peau rouge, masques blancs. Contre la politique coloniale de la reconnaissance by Glen Sean Coulthard
  • Nicolas Paquet
Glen Sean Coulthard, Peau rouge, masques blancs. Contre la politique coloniale de la reconnaissance, Montréal : Lux Éditeur, 2018, 359 pages.

Traduction de l’édition anglaise parue en 2014 sous le titre « Red Skin, White Masks : Rejecting the Colonial Politics of Recognition », ce livre de théorie politique offre une critique plutôt acerbe du colonialisme contemporain, principalement dans le contexte des relations entre les Autochtones et le gouvernement canadien, et ce depuis les quarante dernières années. Le parcours est riche, cheminant de la politique de la reconnaissance chez Hegel, à la critique qu’en fait Fanon, en passant par Marx et les aînés du peuple de l’auteur, la nation Dénée. Ancrés dans le contexte historique national, les arguments présentés le sont avec clarté et demeurent accessibles à ceux qui sont moins familiers avec les philosophes qui participent à ce dialogue sur la reconnaissance. En bout de piste, Coulthard explique comment la résurgence autochtone, basée sur un processus d’autoreconnaissance, constitue la voie susceptible de mener à une réelle décolonisation.

Partant du constat que le paradigme de la reconnaissance – reconnaissance des droits ancestraux, reconnaissance du droit à l’autodétermination, notamment – a été au cœur des luttes menées par les Autochtones depuis les années 1960 et 1970, Coulthard critique l’idée courante selon laquelle la reconnaissance peut adéquatement transformer le relation coloniale entre les peuples autochtones et l’État canadien. Cette relation demeure selon l’auteur une forme de domination, et dans le contexte canadien, la domination coloniale continue de croître. Pour démontrer cette affirmation, il n’hésite pas à mettre en dialogue les écrits de Marx avec la pensée critique et les pratiques des peuples autochtones. Il s’agit d’un dialogue critique, au sens où Coulthard adapte le cadre théorique marxiste afin de le rendre opérant à l’intérieur de sa critique d’un colonialisme persistant. Par exemple, Coulthard réfute le caractère temporel, c’est-à-dire confiné à une période précise, de l’accumulation primitive.

Les chapitres 2, 3, et 4, présentent trois études de cas afin de comprendre la critique que fait Fanon à la théorie hégélienne de la reconnaissance. D’abord, Coulthard observe un problème structurel au cœur de la politique coloniale de la reconnaissance. Dans un contexte de domination, la politique de la reconnaissance libérale reproduit subtilement des rapports non réciproques et l’acteur qui occupe une situation hégémonique – l’État canadien – dicte les termes de l’accommodation [End Page 361] selon ses intérêts. Il s’agit ici de la dimension subjective du problème de la reconnaissance coloniale.

Dans la relation coloniale, il n’y a pas seulement intériorisation de l’identité « inférieure » par les groupes minoritaires dominés, il y a aussi acceptation de la « supériorité » supposée des valeurs et principes proposés par l’État. La « modernisation » des communautés autochtones passerait par l’intégration de ces normes. Conséquemment, le colonisateur prend le contrôle des règles du jeu. Dans les mots de Fanon, ces règles ou normes qui caractérisent la relation en viennent à être considérées plus ou moins comme « naturelles ».

Dans le chapitre 2, l’auteur raconte le passage d’une demande de reconnaissance culturelle par le peuple Déné dans les années 1970, à un détournement par le gouvernement fédéral, afin de séparer revendications culturelles et revendications territoriales. Le processus de revendication territoriale alors mis en place par le gouvernement a servi à « façonner subtilement la façon dont les peuples indigènes pensent et agissent par rapport au territoire ». Structurellement, par l’endettement inhérent à des coûteuses procédures juridiques, et subjectivement par l’intériorisation des normes du groupe dominant, les négociations ont poussé les communautés indigènes à entreprendre un processus d’accumulation du capital où le territoire devient ressource matérielle à exploiter.

Toujours en s’appuyant sur...

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