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  • L'appel au pouvoir. Les pétitions aux Parlements en France et au Royaume-Uni (1814-1848) by Benoît Agnés
  • Pierre Karila-Cohen
Benoît AGNÈS, L'appel au pouvoir. Les pétitions aux Parlements en France et au Royaume-Uni (1814-1848), Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2018, 308 p.

Les pétitions sont à la mode. Elles le sont dans les pratiques, puisque les réseaux sociaux ont grandement facilité la diffusion d'un texte et de sa signature ; elles le sont aussi dans l'historiographie, de manière plus relative, depuis une vingtaine d'années. À l'heure où l'on réfléchit aux possibilités d'approfondir la relation démocratique entre gouvernants et gouvernés au-delà du seul rituel électoral, il n'y a sans doute là rien de bien étonnant. Les pétitions ne sont-elles pas un moyen idéal pour le « peuple » ou la « société » d'interpeller directement parlementaires et ministres sur des problèmes précis et, éventuellement, de s'opposer à certains de leurs projets ? Les retours documentés sur des usages passés du pétitionnement sont dès lors précieux pour comprendre son ampleur comme ses limites, ses usages comme ses effets, et on ne peut que se réjouir dans cette perspective de la publication de la thèse de Benoît Agnès, soutenue à l'université Paris 1 en 2009. L'appel au pouvoir. Les pétitions aux Parlements en France et au Royaume-Uni (1814-1848) est en effet un livre important, pour éclairer l'histoire au long cours des pratiques de pétitionnement autant que pour affiner notre connaissance des institutions et des sociétés politiques française et britannique du premier XIXe siècle. En ce domaine comme dans d'autres, ce moment de l'histoire européenne, heureusement revisité par de nombreux travaux [End Page 205] depuis deux ou trois décennies, n'usurpe assurément pas la réputation de laboratoire politique qui lui est parfois accolée. Alors que la place accordée aux pétitions dans les procédures parlementaires actuelles des deux pays est très réduite, voire inexistante, leur lecture et les débats qui s'ensuivaient occupaient alors un temps considérable des sessions parlementaires de part et d'autre de la Manche, surtout de l'autre côté du Channel. On écrivait massivement aux Chambres : entre les deux dates considérées, Benoît Agnès a recensé 400 000 pétitions adressées à la Chambre des communes et 40 000 à la Chambre des députés. Son livre constitue une exploration minutieuse de ce corpus – ou de parties de celui-ci – afin de proposer « une histoire socioculturelle du politique et de ses représentations » au travers de l'objet pétition saisi dans ses moindres détails, de sa fabrique à sa réception.

Le plan du livre respecte cette logique d'exposition. Une première partie est consacrée à ce que l'auteur appelle « l'amont des pétitions ». Il y examine tour à tour les règles juridiques et procédurales qui encadrent le pétitionnement dans les deux pays (chap. 1), les identités géographiques, sociales et de genre des signataires (chap. 2) ainsi que les « trajets » des pétitions dans toutes leurs étapes, de leur écriture à leur présentation aux Chambres en passant par la collecte des signatures (chap. 3). Un dernier chapitre de cette partie est consacré à la fascination produite par l'ampleur des pétitions britanniques sur diverses figures politiques et intellectuelles françaises, socialistes (Cabet) comme libéraux (Bastiat), républicains (Marrast) comme catholiques (Montalembert), qui tentèrent de développer dans les mêmes proportions le fait pétitionnaire en France : les Britanniques, eux, ne regardent pas ce qui se passe outre-Manche et cette circulation des regards n'existe donc qu'en sens unique. Dans la deuxième grande partie, Benoît Agnès entre dans la chair même de ces pétitions : il dissèque la manière dont les pétitionnaires s'adressent aux Chambres (chap. 5), puis examine les objets des...

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