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Reviewed by:
  • Guerre et paix. Figures du conflit dans les littératures et films francophones by Isabelle Favre
  • Cheryl Toman (bio) and Romain Delaville
Favre, Isabelle. Guerre et paix. Figures du conflit dans les littératures et films francophones. Presses universitaires de Limoges, 2018. Pp 191. ISBN: 978-284-287-791-0. 18€ (papier).

La violence constitue, dans le champ des études francophones postcoloniales, un thème de prédilection à l'origine d'un vaste corpus critique. C'est à un exercice a priori délicat que se livre donc Isabelle Favre en ajoutant sa voix à la cohorte des nombreux universitaires qui se sont penchés sur le sujet. Son ouvrage, Guerre et paix. Figures du conflit dans les littératures et films francophones propose une analyse approfondie des diverses formes de lutte, tant collective qu'individuelle, dans les textes et films contemporains d'expression française. Selon l'auteure, la notion de conflit permet non seulement de renouveler les modalités de réception et d'appréciation des œuvres figurant dans son corpus, mais aussi d'examiner de façon plus large comment « la littérature et le cinéma donnent vies et visages aux préoccupations de notre époque » (9).

Son approche se veut résolument pluridisciplinaire. La première partie de l'essai revient sur la production littéraire du génocide rwandais de 1994 tandis que la seconde fait la part belle à des luttes d'ordre plus personnel, voire intime comme la schizophrénie, la sexualité, et la maladie. A cela, s'ajoute la variété des espaces géographiques abordés : le Vietnam, la Guinée, le Sénégal, le Rwanda et la France. Afin de mieux saisir la complexité et les enjeux de ces conflits, Favre déploie un arsenal critique qui décloisonne les savoirs pour aller piocher tantôt dans la philosophie politique, tantôt dans les neurosciences, tantôt enfin dans les études de genre.

Le premier chapitre envisage l'acte d'écrire (après) le génocide rwandais à l'aune d'un concept clé de la pensée arendtienne : le commencement. Cette approche permet à Favre de renouveler la critique contemporaine souvent friande d'approches misérabilistes sans pour autant verser dans « un optimisme béat » (43). Le chapitre suivant propose une lecture du témoignage littéraire de Maggy Corrêa, Tutsie, etc. à la lumière du concept derridien de sacramentum. Le chapitre trois ébauche, quant à lui, un rapprochement novateur entre la littérature et les neurosciences. Convoquant plusieurs figures du milieu scientifique parmi lesquelles Henri Laborit, Isabelle Favre formule de nouveaux paradigmes de recherche pour repenser la question de la violence et de son envers—l'imagination et la création artistique—dans le contexte du Rwanda; approche qu'elle applique [End Page 223] dans le chapitre suivant consacré au roman de Koulsy Lamko, La Phalène des collines.

La seconde partie de l'essai s'ouvre sur un chapitre dédié au long métrage de Claire Denis, White Material, coécrit avec Marie Ndiaye. Après quelques pages sur les modalités de cette collaboration artistique, l'analyse s'inspire des travaux de Judith Butler sur la vulnérabilité pour traiter la question de la guerre civile et la condition des enfants soldats africains dans le film. Le chapitre suivant aborde plus en avant la question du conflit individuel. Favre nous invite à lire le roman Calomnies de Linda Lê comme le lieu d'une tension dialectique entre diverses conceptions de la schizophrénie : force productive chez Deleuze et Guattari, symbole d'une fragmentation du sujet chez Ronald Laing. Le chapitre quatre s'intéresse à Dakan, « premier film africain [de langue française] à projeter sur l'écran une relation explicitement homosexuelle » (133) réalisé par le cinéaste guinéen Mohammed Camara. L'analyse d'un sujet de société encore largement tabou permet de renouveler le discours sur le genre en Afrique; un discours principalement dominé par la question des femmes et de leur émancipation au détriment des sexualités marginales. Enfin, le dernier chapitre aborde la question des écritures de soi dans le contexte du récit de maladie. Isabelle Favre y examine le...

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