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  • Introduction
  • Alfonso de Toro (bio)

« Nous sommes tous des migrants qui nous tendons les uns les autres un miroir, le long d'un chemin »

(Laroui 2015 : 8)

« Simplement une migrante. La plus belle dénomination je crois, en culture islamique »

(Djebar 1999 : 49-50)

Fouad Laroui appartient à un large nombre d'auteurs qui se sont engagés et s'engagent jusqu'à aujourd'hui, d'une part dans la vie publique et politique, et d'autre part par la narration de leurs expériences dans leurs écrits, révélant leur esprit sensible, ouvert et cosmopolite face à celui qui est différent, face à l'Autre, face à la diversité culturelle telle que l'ont pratiqué et la pratiquent Abdelkebir Khatibi, Assia Djebar, Albert Memmi, Tahar Ben Jelloun, Abdelwahab Meddeb, Boualem Sansal, Mathias Enard et Lisi Doron. Tous ces auteurs, et beaucoup d'autres, vivent, pensent et travaillent dans les interfaces des cultures et de là résultent leur productivité et leurs positions socio-politico-culturelles.

Vivant entre Amsterdam, Paris, le Maroc et dans le monde, Laroui se consacre à la littérature en parallèle de son travail comme chroniqueur littéraire dans divers journaux, revues et médias, mais aussi comme professeur universitaire et conférencier, pratiquant de cette façon une fonction de constructeur de ponts, de passerelles et de passages dans la lignée de ce que Khatibi (1983 : 11-39, 43-112) avait désigné comme une « pensée autre » et une « double critique » consistant en une critique « interne » et « externe » (30), c'est-à-dire le dialogue, entre l'« Orient » et l'« Occident ». Laroui s'efforce—comme le font aussi Boualem Sansal et l'a fait Abdelwahab Meddeb—de faire sortir la culture orientale de ce [End Page 7] que Khatibi nommait « isolement interne de l'islam » (ibid.) et de contribuer au dialogue en interprétant, par exemple, le Coran d'une façon moderne et éclairée, et, en même temps, en démasquant l'idéologie fondamentaliste intégriste des islamistes. C'est précisément cette critique double, éclairée et balancée, qu'exerce Laroui dont nous avons besoin aujourd'hui et plus que jamais.

Points de départs

Dans son œuvre, Laroui fait un plaidoyer pour la liberté d'opinion pour la diversité des croyances religieuses et des pratiques culturelles, ainsi que pour la « pluralité », la « polyphonie » et la « différence »—comme nous le trouvons dans De quel amour blessé (1998). En effet, Laroui conçoit le monde, la civilisation, comme mouvement d'ordre migratoire, linguistique, culturel etc.

Premièrement, ces « mouvements » ne sont pas uniquement constatables à travers le monde du travail et les travailleurs maghrébins en « mouvement », mais également dans la littérature et les arts en général. Les écrivains, avec leurs romans, essais, écrits théoriques, témoignages, ainsi que les cinéastes, professionnels du théâtre et artistes mais également les institutions, forment un noyau essentiel de ces « mouvements » et de traduction culturelle. En effet, la littérature et l'art ne peuvent être réduits à des productions seulement « fictionnelles » pour le divertissement, mais ils doivent être appréciés comme de véritables détecteurs et anticipateurs des événements qui ont lieu dans une société, souvent plusieurs années plus tard. Ils transportent un grand savoir et une large expérience et la littérature, comme l'art, ne sont généralement pas soumis à une institution, à un parti ou à une idéologie.

Ces caractéristiques de la littérature et de l'art ont déjà été reconnues dans la nouvelle historiographie de Jacques Le Goff dans les années 60 et par Hayden White dans les années 70 et 80. Il existe en effet des exemples bien connus, tel que dans le domaine de la philosophie : l'œuvre magistrale de Michel Foucault, Les Mots et les choses (1966), dans laquelle se référant aux nouvelles de Borges (surtout à « La langue analytique de John Wilkins »), à Don Quichotte de Cervantès et à Las Meninas de Velázquez, il décrit deux grands changements de paradigme dans la pensée et le savoir occidentaux ; ou bien Capitalisme et schizophrénie de Deleuze et...

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