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Reviewed by:
  • Pamela ou la Vertu récompensée, par Samuel Richardson, and: Pamela ou les Vertus du roman: D’une poétique à sa réception by Shelly Charles
  • Pierre Hartmann (bio)
Pamela ou la Vertu récompensée, par Samuel Richardson
, éd. Shelly Charles
Garnier, 2018. 830pp. €€67. ISBN 978-2-406-06331-5.
Pamela ou les Vertus du roman: D’une poétique à sa réception
par Shelly Charles
Garnier, 2018. 655pp. €79. ISBN 978-2-406-06334-6.

L’impressionnant diptyque qui nous proposé par Shelly Charles pour le compte des éditions Garnier comporte deux volets complémentaires. D’abord une édition française enfin fiable de Pamela I (Pamela, ou la Vertu récompensée), sur le choix de laquelle l’éditeur scientifique s’explique longuement dans son introduction, après avoir examiné er réglé d’épineux problèmes d’attribution, et non sans avoir écarté l’hypothèse Prévost, pour n’apparaître qu’à la fin du siècle. Il a fallu pour ce faire trancher entre deux options également valables: l’option philologique finalement retenue (celle de la première édition londonienne en langue française) ou l’option justifiée par l’optique de la réception, puisque c’est dans une édition hollandaise déjà traduite mais reproduite sans recours au texte original que toute l’Europe francophone du XVIIIe siècle a lu Pamela. Ce qui a fait pencher la balance en faveur de l’édition londonienne, c’est que Richardson en a surveillé lui-même la traduction, dont l’achèvement précéda l’édition anglaise définitive (la sixième)—si bien que « la Pamela française est, à sa manière, un texte original qui correspond à un état non imprimé du texte anglais » (28), [End Page 373] comportant des corrections et des passages inédits qui n’apparaîtront qu’ultérieurement dans l’édition anglaise définitive. Il faut savoir gré à notre éditeur d’être parvenu à démêler ce complexe écheveau éditorial, et de nous introduire ainsi dans l’atelier de Richardson, lui-même comme on sait imprimeur de métier. Quoi qu’il en soit, cette oscillation entre optique philologique et perspective ouverte par la théorie de la réception se retrouve dans l’ample essai qui constitue le second volume du diptyque proposé à notre attention.

Celui-ci comporte deux parties nettement distinctes bien que fort bien articulées: une exégèse du roman et une étude de sa réception dans l’aire française, qui en assura la renommée continentale. Comme bien on sait, l’histoire quelque peu scabreuse d’une servante campagnarde épousée par un squire libertin suscita immédiatement une vaste controverse, qui porta ses fruits littéraires les plus féconds avec l’entrée en lice de Fielding, dont la parodie intitulée Shamela et le premier roman (Joseph Andrews) se greffent directement sur l’œuvre de Richardson. Confrontée à une telle intrigue, on pouvait craindre, de la part de la critique actuelle, une lecture lourdement « genrée » d’un roman s’attardant complaisamment sur des tentatives de séduction ne reculant pas devant le viol. Fort heureusement, il n’en est rien: plutôt que d’emprunter son vocabulaire et son appareil critique à la tendance actuellement en vogue, c’est aux outils éprouvés de la philologie, de l’érudition et de l’histoire littéraire que recourt Charles, le souvent avec bonheur: les nombreuses strates intertextuelles du complexe roman formellement monodique mais réellement polyphonique de Pamela sont identifiées et déployées avec une érudition qui force le respect: particulièrement bienvenues sont les analyses qui débusquent les sous-textes de cette lectrice naïve et boulimique qu’est Pamela (la Bible, le folklore, le corpus ésopique, l’Arcadie de Sidney à laquelle elle doit son nom, etc.). Mais il arrive aussi que la passion herméneutique et le recours systématique à la lecture typologique entraine Charles dans des spéculations hasardeuses, dont l’inutile prolifération risque d’obérer plutôt que de favoriser la compréhension de l’œuvre. Reproche somme toute mineur...

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