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  • Le cabinet médical de Diderot. La part de la médecine dans l’élaboration d’une philosophie matérialiste par Gilles Barroux
  • Charles T. Wolfe
Le cabinet médical de Diderot. La part de la médecine dans l’élaboration d’une philosophie matérialiste
Gilles Barroux
Paris : Editions Matériologiques, 2018, 312 p., 26 €

Le livre de Gilles Barroux étudie les rapports de Diderot et de la médecine en trois parties : 1) Diderot et la médecine de son temps ; 2) la part de la médecine dans sa « philosophie de la nature » ; [End Page 510] 3) la part de la médecine dans son « anthropologie matérialiste ». Il s’agit donc ici d’un Diderot « médecin », ou encore d’un Diderot profondément impliqué dans, influencé par et participant aux discussins médicales. Effectivement, Diderot a écrit : « Pas de livres que je lise plus volontiers que les livres de médecine » (Éléments de physiologie), ou encore : « il est bien difficile de faire de la bonne métaphysique et de la bonne morale, sans être anatomiste, naturaliste, physiologiste et médecin » (Réfutation d’Helvétius). La médecine semble donc particulièrement importante pour lui, comme le sont également la chimie, l’histoire naturelle, la physiologie, etc. On pourrait aller jusqu’à dire qu’elle façonne sa philosophie. Ceci, le livre de Barroux le montre bien. Il se rapproche à ce titre du livre plus dense et plus ambitieux de François Pépin, La Philosophie expérimen-tale de Diderot et la chimie (2012).

L’originalité de cette étude est qu’elle s’attache à suivre la trace du Dictionnaire universel de médecine de Robert James, que Diderot a traduit dans sa jeunesse (1746–1748) avec l’aide de deux collaborateurs, Eidous et Toussaint, et qu’on se plaît parfois à voir comme une proto-Encyclopédie. Dans son livre, Barroux cherche à situer Diderot dans la médecine de son époque, sans pourtant aller beaucoup plus loin que l’Encyclopédie dans sa contextualisation. C’est peut-être le principal défaut du livre : l’auteur fait comme si l’Encyclopédie était, outre un objet de l’analyse, une source (fiable, exhaustive, etc.) et, plus encore, sa source principale. Cela donne un résultat curieux quand il s’agit d’étudier, par exemple, l’hippocratisme en France aux XVIIe-XVIIIe siècles (voir les travaux de Tatsuo Hemmi et de Roselyne Rey).

Ainsi, l’auteur analyse le couple observation-expérience en médecine à partir surtout de quelques articles de l’Encyclopédie, notamment celui, brillant, intitulé OBSERVATION du médecin montpelliérain Ménuret de Chambaud, ainsi que des remarques de Diderot sur ces notions dans ses Pensées sur l’interprétation de la nature. Mais il ne va pas plus loin. Or les notions d’observation et d’expérience/ expérimentation en médecine à l’âge classique ont été abondamment analysées par des auteurs comme Gianna Pomata et Peter Dear – et, au-delà du champ proprement médical, par Lorraine Daston et les chercheurs associés à son groupe du MPIWG à Berlin. Pour revenir à l’article OBSERVATION, Barroux ne pose pas la question des différences possibles entre l’approche « vitaliste » – qui oppose le médecin observateur (valorisé) au médecin expérimentateur et vivisectionniste (plutôt déprécié) – et l’approche de Diderot, qui défend après tout l’expérimentation animale et même humaine, et [End Page 511] qui renvoyait à Erasistrate et ses collaborateurs dans le Dictionnaire de médecine, comme le signale d’ailleurs Barroux.

Parfois, l’auteur fait des affirmations qui sont intéressantes mais non documentées, comme lorsqu’il écrit que le terme « empirisme » était employé en 1736, mais sans donner de source (p. 30). Contrairement à ceux qui soutiennent actuellement l’idée d’une paternité kantienne de l’empirisme, l’auteur y voit principalement une notion de provenance médicale, ce avec quoi nous sommes d’accord. Il ne fait cependant pas ressortir clairement ce problème, faisant comme si l’existence des anciens empirikoi, suivi de l’emploi du vocable « empirique » à la période...

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