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  • Un enfant à l’asile. Vie de Paul Taesch (1874–1914) par Anatole Le Bras
  • Marie-Claude Thifault
Un enfant à l’asile. Vie de Paul Taesch (1874–1914)
Anatole Le Bras
Paris : CNRS Éditions, 2018, 297 p., 22 €

Une grande fébrilité et une grande émotion accompagnent l’historien lors de la découverte de nouvelles archives. « [O]n s’y aventure avec la curiosité impatiente des explorateurs d’antan ou des chercheurs d’or », a déjà écrit Antoine Prost dans le collectif L’histoire aujourd’hui (1999). Ce « goût de l’archive », Anatole Le Bras le partage aussi. C’est celui-là même qui l’a conduit, par le jeu du hasard, vers sa pépite d’or. L’histoire d’Un enfant à l’asile émerge d’une quête dans les archives qui relève de la découverte d’une pochette, comme tant d’autres consultées par le doctorant au Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP), mais qui contre toute attente conservait un document singulier, l’autobiographie d’un patient. C’est ainsi qu’est survenue « une rencontre fortuite avec cette “existence graphique”, croisée au hasard lors des dépouillements de milliers de dossiers de patients de l’asile Saint-Athanase de Quimper » (p. 17).

Inspiré par la démarche historienne d’Alain Corbin, Le Bras livre dans ce magnifique ouvrage sa quête de l’archive qui lui a permis de donner vie, selon l’approche history from below, à l’histoire d’un enfant orphelin qui a grandi entre les murs de l’asile et qui a eu recours à des stratagèmes pour le moins étonnants tant pour quitter l’asile que pour y être réadmis volontairement. L’essai divisé en deux parties présente d’abord les pièces d’archives consultées pour reconstituer le parcours psychiatrique du protagoniste principal, Paul Taesch (1874–1914). Cette première partie fait le bonheur du [End Page 478] lecteur-historien à qui l’on donne, d’une certaine façon, un accès privilégié à l’archive psychiatrique. Sur plus d’une centaine de pages défilent les mémoires de Paul Taesch, écrites en 1896, ainsi que les autres belles découvertes de Le Bras répertoriées dans les fonds d’archives de l’Asile des jeunes garçons infirmes et pauvres et ceux des institutions de Bicêtre, de Ville-Évrard et de Quimper. L’accès à ce matériau brut (extraits des registres des entrées, des registres des placements volontaires, des observations médicales, des lettres de Paul Taesch et de celles écrites par ses sœurs et destinées à Paul ou au Dr Bourneville de Bicêtre, etc.) apporte beaucoup à l’ouvrage et permet au lecteur un premier contact avec Paul Taesch. La discrétion de l’auteur dans ces pages est un choix heureux qui permet de « saisir un éclat de [l]a voix » (p. 265) de Taesch et de librement réfléchir à « l’envers du pouvoir psychiatrique » (p. 175).

« Les vies de Paul Taesch », explorées en deuxième partie, sont constituées des analyses et des interprétations de trois thématiques que Le Bras tire de son corpus archivistique. La première (« Paul Taesch, un sujet psychiatrique ») retrace la genèse de la psychiatrie infanto-juvénile avant que l’auteur ne captive notre attention sur la modulation des diagnostics psychiatriques. Les mystères autour de l’hystéro-épilepsie et des crises simulées avec talent par le jeune Taesch sont longuement analysés, mais la maladie mentale de l’enfant n’est pas suffisamment prise en compte, selon nous. Ce diagnostic sera pourtant encore validé lorsque Taesch sera admis à l’Infirmerie spéciale du dépôt à l’âge de 32 ans. Les faiblesses de l’intelligence, en lien avec les choix de vie ou de survie du jeune homme, sont rarement mises en relation avec son manque d’autonomie et sa difficile adaptation sociale. La carrière du patient ou encore ses mises en scène afin de défier le pouvoir médical semblent avoir été des pistes plus inspirantes pour l’auteur. La deuxi...

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