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  • Les communistes et l'Algérie. Des origines à la guerre d'indépendance, 1920-1962 par Alain Ruscio
  • Fabien Bénézech
Alain RUSCIO, Les communistes et l'Algérie. Des origines à la guerre d'indépendance, 1920-1962, Paris, La Découverte, 2019, 664 p.

Dans cet ouvrage, Alain Ruscio analyse les évolutions sinueuses des relations entre les communistes et l'Algérie, de 1920 à 1962, un objet d'étude ayant suscité maintes polémiques et querelles mémorielles. Toutefois, en annonçant, dès les premières pages du livre, sa volonté de « souligner les nuances » (p. 8) d'une histoire tourmentée, ce spécialiste des questions coloniales affiche l'ambition de mettre fin à certaines légendes, qu'elles soient noires ou dorées. Aux thuriféraires d'une mémoire tout entière dédiée au martyrologe des militants communistes tombés pendant la guerre d'Algérie comme aux contempteurs d'un Parti communiste français (PCF) qui aurait trahi la cause de l'anticolonialisme, l'historien répond d'emblée que les communistes français et algériens ne méritèrent « ni cet excès d'honneur ni cette indignité » (p. 7).

Inscrivant son travail dans un jeu d'échelles qui le fait circuler d'une rive à l'autre de la Méditerranée, et de Paris à Moscou, tout en sillonnant villes et campagnes d'Algérie, l'auteur passe au crible revirements et ambiguïtés de la politique algérienne du PCF, du congrès de Tours à la fin de la guerre d'indépendance. Au fil des pages, il décrypte ainsi méticuleusement les circonvolutions d'un discours communiste, parfois sibyllin, souvent déroutant. Cependant, loin de se limiter à l'examen des positions élaborées par les cercles dirigeants du PCF et du Parti communiste algérien (PCA), Alain Ruscio s'intéresse également aux opinions et aux actions des membres de la vaste « "famille communiste" franco-algérienne » (p. 11) : simples adhérents, syndicalistes, militants des diverses organisations de masse situées dans l'orbite du PCF, mais aussi avocats, intellectuels, journalistes. Adossée à un large corpus archivistique (notamment les archives du PCF et plus d'une soixantaine d'entretiens avec des témoins clés), la restitution de ces multiples expériences permet de faire entendre les dissonances traversant, et parfois fracturant, de la base au sommet, tout l'univers communiste, sur la question de l'Algérie.

L'ouvrage propose néanmoins une clé de lecture des changements de cap brutaux scandant la politique algérienne du PCF. Pour résumer, chez les communistes, l'anticolonialisme ne constitue toujours qu'une préoccupation secondaire, systématiquement inféodée à d'autres combats jugés primordiaux. Cette propension à considérer la situation de l'Algérie, selon la doxa thorézienne, comme une « partie », soumise à un « tout » (p. 83), permet de mieux saisir les motifs des nombreux revirements tactiques opérés au détriment de l'élaboration d'une véritable « stratégie » (p. 106). Tantôt défendue avec ardeur, tantôt reportée sine die, voire catégoriquement rejetée, la perspective de l'indépendance est toujours soumise aux impératifs catégoriques du moment. Primat de l'alliance avec des socialistes majoritairement opposés à l'émancipation de l'Algérie pendant le Front populaire, association de l'Empire à la lutte contre le fascisme pendant la deuxième phase de la Seconde Guerre mondiale, défense de l'Union française face aux menaces de l'impérialisme américain pendant la guerre froide, autant de mots d'ordre et de slogans reléguant à chaque fois la sortie complète de l'Algérie du système colonial au second plan. [End Page 149]

Consacrée au « parcours non linéaire » (p. 15) des relations entretenues par les communistes avec l'Algérie de 1920 à 1954, la première partie de l'ouvrage permet de mieux saisir la genèse des malentendus et désaccords persistants entre nationalistes algériens et communistes français. Invoquant tout d'abord le rôle crucial des appareils idéologiques d'État–fervents...

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