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  • L'obsession communale. La Calle, un territoire de colonisation dans l'Est algérien, 1884-1957par Christine Mussard
  • Hugo Vermeren
Christine MUSSARD, L'obsession communale. La Calle, un territoire de colonisation dans l'Est algérien, 1884-1957, Paris, Presses universitaires de Provence, « Le temps de l'histoire », 2018, 350 p.

L'histoire de l'Algérie pendant la période coloniale connaît un profond renouvellement depuis une quinzaine d'années, tant dans ses objets d'étude que par la diversité des approches proposées 36. Le retour des chercheurs au « terrain algérien » depuis le début des années 2000, pour la consultation de sources conservées en Algérie, et le classement récent de plusieurs fonds préfectoraux par le centre des Archives nationales d'outre-mer, ont largement contribué à cette dynamique 37. Le livre issu de la thèse de Christine Mussard, qui retrace l'histoire de la commune mixte de La Calle depuis sa création en 1884 jusqu'à sa disparition en 1957, illustre à de nombreux égards la qualité des recherches de la nouvelle génération des historiens de l'Algérie coloniale : le recours à la longue durée permet de repenser les ruptures des périodes de la conquête militaire et de la guerre d'indépendance ; l'étude rigoureuse des archives des administrations locales de comprendre comment celles-ci s'organisent au quotidien ; l'approche par le territoire d'appréhender les rapports sociaux entre les différentes composantes de la population et de questionner la nature du « monde du contact 38» qui opère dans ce cadre colonial singulier.

La notion de territoire est ici centrale. « La colonisation est productrice de territoires », rappelle d'emblée l'auteure (p. 15). Un territoire qui est envisagé à la fois comme un espace mais surtout comme le produit de sa prise de possession par ceux qui le pensent, l'administrent, le vivent. C'est bien la fabrique du territoire, son découpage, son administration, qui animent ce travail dans lequel l'auteure s'efforce de confronter les échelles, les temporalités et les points de vue. Mais comment faire l'histoire d'une commune mixte ? Comment faire l'histoire d'un immense territoire s'étendant sur 160 000 hectares et regroupant huit villages de colonisation et quatorze douars peuplés de près de 30 000 habitants au début du XXe siècle ? Rappelons que l'organisation administrative des trois départements algériens instaurés en 1848 (Algérois, Oranais, Constantinois), directement calquée sur le modèle métropolitain, se distingue par la coexistence de deux types de communes. D'un côté, la commune de plein exercice, centre autonome et à dominante européenne, est identique à son homologue métropolitaine. De l'autre, la commune mixte, dont l'organisation administrative est définie par l'arrêté du 20 mai 1868, regroupe des entités territoriales de natures différentes : tribus, douars et centres de colonisation. La commune mixte de La Calle, créée par l'arrêté du 29 décembre 1884, se situe dans le département de Constantine à la frontière de la Tunisie. Elle est l'une des soixante-dix-huit communes mixtes dont l'objectif premier est de « poursuivre l'avancée de la colonisation vers l'intérieur de la région du Tell » (p. 13). La commune mixte est envisagée par les acteurs de l'époque comme un modèle transitoire ayant pour finalité de s'assimiler au modèle de la circonscription d'une commune de plein exercice.

Le découpage chronologique de l'ouvrage est déséquilibré, mais la qualité des trois parties ne l'est pas. La première d'entre elles couvre une longue période, de 1848 à 1909. L'auteure revient sur les origines de la commune mixte de La Calle, [End Page 139]suivant étape par étape son élaboration territoriale, une cartographie utile à l'appui. La délimitation de la circonscription est héritée du cercle de La Calle autrefois géré par les bureaux arabes, ce qui rappelle la place centrale des militaires dans la production de...

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