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  • La guerre des polices n'a pas eu lieu. Gendarmes et policiers, co-acteurs de la sécurité publique sous la Troisième République (1870-1914) par Laurent López
  • Jonas Campion
Laurent LÓPEZ, La guerre des polices n'a pas eu lieu. Gendarmes et policiers, co-acteurs de la sécurité publique sous la Troisième République (1870-1914), Paris, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2014, 510 p.

À l'occasion des attaques terroristes survenues en janvier 2015, les commentateurs ont insisté sur la mobilisation de l'ensemble des forces de police française et sur la bonne coopération entre police nationale et gendarmerie. Sous-jacente à ce constat positif, nous retrouvons la crainte–ancienne–d'une concurrence policière prenant la forme, comme le veut l'expression du langage courant, d'une « guerre des polices », marquée par des conflits institutionnels, personnels, mais surtout de répartitions des tâches, zones et champs d'intervention. Au coeur du système policier français, la question de la dualité policière entre une police civile et une gendarmerie initialement militaire est ancienne. Elle remonte en fait à sa structuration « moderne », lors de la période révolutionnaire. Entre cohabitation pacifique, concurrence féroce, collaboration plus ou moins poussée, les modalités de cette coexistence varient dans le temps, dans l'espace et au regard des enjeux sécuritaires concernés, éclairant au prisme de son appareil policier le fonctionnement de l'État.

Dans ce livre, issu de sa thèse de doctorat en histoire soutenue en 2009 à l'Université Paris IV-Sorbonne, sous la direction conjointe de Jean-Noël Luc et Jean-Marc Berlière, Laurent López interroge, avec de nombreuses qualités, les multiples étapes, lieux et domaines de la rencontre entre gendarmes et policiers, dans le cadre de l'exercice de la sécurité au sein de la société française de la Troisième République. L'entreprise apporte des connaissances neuves, permettant une compréhension fine des enjeux et difficultés de cette dualité policière. Elle constitue également une synthèse efficace des questionnements et développements récents de l'historiographie policière. Son intérêt est de proposer une histoire mêlant à la fois les réalités sociales, politiques, juridiques, mais aussi culturelles, pour discuter de manière historique le concept de « système policier » et la teneur de ce qui serait une « guerre » entre administrations de police.

La thèse principale de l'auteur est annoncée dès le titre de la monographie : la « guerre des polices n'a pas eu lieu » au sein de la République française. Dit autrement, il est vain de vouloir chercher dans les archives les traces d'une opposition [End Page 118] structurelle et durable entre polices à identité civile et militaire : non pas que les sources n'existeraient pas, ou tairaient volontairement les traces du phénomène. Cette « guerre des polices », expression dont l'auteur situe l'apparition durant les années 1950, n'est tout simplement pas conforme à la réalité des faits. C'est en grande partie une construction intellectuelle ou politique. Certes, si les discours, mémoires et autres argumentaires d'opinion font valoir, dès cette période, l'existence d'une concurrence policière, la réalité des pratiques et de l'articulation du système d'ordre est tout autre. Ce contraste entre discours « alarmistes » et cohabitation en réalité pacifique s'explique par la conjonction d'intérêts et de facteurs institutionnels, personnels, politiciens, idéologiques tant au niveau local que national. Il s'explique également par le développement d'une culture de la fiction, au sein d'une société où se multiplient les publications de tous styles (presse, roman, « faits divers », récits biographiques. . .) dont les propos aiment mettre en avant tensions et concurrences.

Comme le souligne l'auteur, policiers et gendarmes sont au contraire « co-acteurs » de la sécurité. Ils travaillent de ce fait en bonne intelligence. L'analyse de la traque de la « bande à Bonnot » en 1912, présentée dans le dernier chapitre, illustre cette mobilisation g...

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