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  • Musée, colonisation, et restitution
  • El Hadji Malick Ndiaye (bio)

Quand les bases modernes du musée sont jetées au XVIIIe siècle, le souci de classification méthodique des savoirs par le biais des objets est venu à travers les grands catalogues du XVIe siècle et les cabinets de curiosité, sorte de miroir du monde en réduction. La sécularisation opérée par le musée prive les objets d’autels de leur dimension sacrée. Tirés de leur contexte rituel, ils sont des objets d’art qui témoignent d’un génie national. Exposés au musée, ils conquièrent une épaisseur universelle. Le développement du musée est inscrit dans une histoire intellectuelle et culturelle de la modernité qui a subi de profondes transformations et dont la relecture est un défi posé aux dispositifs muséographiques. En Afrique de l’Ouest, plusieurs musées sont créés sur les ruines des collections coloniales au sein de structures dont la croissance fait appel à des protocoles de patrimonialisation à géométrie variable (cf. Malick Ndiaye 2007). On comprend donc que la question de la restitution advient par le biais d’une double échelle politique et scientifique. Depuis quelques mois, on ne compte plus le nombre de rencontres qui prennent cette thématique comme objet. Chaque institution se doit de mettre cette question sur la table. La restitution semble tomber dans le glamour des débats d’idées qui sont à la mode. Cette situation conduit à une réflexion scientifique dont le calendrier est dicté par le rythme de l’agenda politique. Compte tenu de cette réalité, il est important de considérer d’abord l’histoire à la suite de laquelle l’appel du président Macron doit être resitué. Ensuite il s’agira d’identifier les enjeux liés au contexte actuel de la restitution.

LES CHEMINS DE LA RESTITUTION

La restitution du patrimoine et la nouvelle muséologie ont pris une dimension institutionnelle presque dans la même période, en l’occurrence les années 1970. Le croisement de quelques faits structurants démontre la nécessité de cette lecture historique. En 1971, la section française du Conseil International des Musées (ICOM) organise une rencontre sur «Le musée au service de l’homme aujourd’hui et demain: le rôle éducatif et culturel du musée». Au cours de ce débat, Stanislas Adotévi appelait à une prise de conscience radicale ainsi qu’au rejet d’une culture colonialiste des musées africains (Mairesse 2000: 42). Un processus était amorcé dans lequel les deux directeurs successifs de l’ICOM (Georges Henri Rivière et Hugues de Varine) joueront un rôle capital. De nouvelles expériences sont tentées à travers le monde dans un cadre où se développe le concept d’écomusée. Ce nouveau paradigme prend en compte l’étroite relation entre le musée et la société dont la Déclaration de Santiago du Chili (1972) servira de mémorandum. Il s’agit dorénavant d’être plus attentif à cette institution culturelle et au rôle qu’il doit jouer pour la communauté. [End Page 1]

En 1976, l’Unesco organise une rencontre à Venise où la question de la restitution est étudiée par des experts qui suggèrent la création d’un Comité chargé de faciliter le retour ou la restitution du patrimoine. Le 7 juin 1978, le Directeur de l’Unesco, le sénégalais Amadou Makhtar Mbow, prononçait son discours mémorable «pour le retour à ceux qui l’ont créé d’un patrimoine culturel irremplaçable». Quelques mois plus tard, (Paris, 24 octobre–28 novembre), à l’occasion de la 20e session de sa Conférence générale, l’Unesco crée par la résolution 20 C4/7.6/5 le «Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale». Une étude sera confiée à l’ICOM sur les principales difficultés ainsi que les solutions qu’impliquent la restitution ou le retour de biens culturels perdus en raison du...

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