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Reviewed by:
  • L’invention du luxe. Histoire de l’industrie horlogère à Genève de 1815 à nos jours by Pierre-Yves DONZÉ
  • Marie-Agnès Dequidt
Pierre-Yves DONZÉ, L’invention du luxe. Histoire de l’industrie horlogère à Genève de 1815 à nos jours, Neuchâtel, Éditions Alphil, « Histoire et horlogerie », 2017, 224 p.

Dans la collection « Histoire et horlogerie » qu’il dirige, dédiée quasiment exclusivement à l’horlogerie suisse à partir du milieu du XIXe siècle, Pierre-Yves Donzé consacre un ouvrage à Genève, couvrant une période large, de 1815 à nos jours, et incluant des données chiffrées très récentes. L’auteur joue habilement sur les doubles sens entre son titre, L’invention du luxe, et son sous-titre, Histoire de l’industrie horlogère à Genève de 1815 à nos jours. En effet, dès l’introduction, il explique qu’il faut se méfier des constructions faites a posteriori. Il se place en opposition sur ce point à certains historiens, ou autres responsables de musées ou d’expositions. L’invention du luxe ne date pas du début du XIXe siècle, mais est plutôt le résultat d’une position commandée par le marketing post-années 1990, même si la référence à la qualité et à l’excellence remonte à une date antérieure. Par ailleurs, l’expression « l’industrie horlogère à Genève » se veut différente de « l’industrie horlogère genevoise », en partant du postulat qu’il n’y a pas d’homogénéité dans la cité lémanique mais plutôt divers aspects à examiner les uns après les autres. Notons également que le terme horlogerie recouvre ici quasiment exclusivement les montres.

À l’appui de sa démonstration, la construction de l’ouvrage est très explicitement chronologique, chaque chapitre présentant le parallèle entre les vicissitudes économiques de la Suisse et les différentes réactions que celles-ci suscitent à Genève, prônées par les horlogers ou les institutions.

De 1815 à 1870, le contexte économique est favorable à l’horlogerie suisse. C’est cependant Neuchâtel, la grande concurrente de Genève, qui en profite principalement, ainsi que Berne. Toutes les qualités de montres sont concernées, de la montre standard à la montre d’excellence. Parmi les raisons de ce recul de Genève, l’auteur nous présente d’abord la sortie du système corporatiste du XVIIIe siècle qui entraîne une perte de la maîtrise de la fabrication de certaines pièces dont les ébauches, fabriquées dans les montagnes dès 1820. Dès ce moment, deux positions différentes s’opposent : faut-il moderniser, c’est-à-dire mécaniser et libéraliser la production ou au contraire rester dans la tradition, y compris en créant des institutions pour sauvegarder la qualité ? Il en résulte la mise en place difficile du Bureau de contrôle des matières d’or et d’argent et la volonté précise dès lors de promouvoir la qualité et l’image de Genève, au moins dans les discours.

Entre 1870 et 1914, Genève est marquée comme toute la Suisse par la concurrence américaine, mise en évidence lors de l’exposition universelle de Philadelphie en 1876. S’impose alors la nécessité de retrouver une compétitivité pour conserver une place importante à l’horlogerie suisse. À Genève, la dichotomie est grande entre la réalité du terrain et les discours officiels. En effet, des fabriques se mettent en place, permettant une industrialisation grâce à la mécanisation et à la production de montres bon marché mais de qualité. Sans grandes concentrations ni verticalisation des productions, les coûts sont réduits, notamment dans la fabrication des mouvements grâce au recours à la sous-traitance, y compris hors de Suisse, dans les zones horlogères françaises proches. Genève commence alors à rassembler plus de sociétés de commercialisation que de production. Au même moment, et loin de la mécanisation, les discours officiels émanant de ceux que P.-Y. Donzé appelle « les élites conservatrices » prônent la...

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