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  • Pour une lecture postcoloniale de la fiction réaliste (XIXe–XXe siècles) par Sylvie André
  • Sarah Budasz
Pour une lecture postcoloniale de la fiction réaliste (XIXe–XXe siècles). Par Sylvie André. (Bibliothèque de littérature générale et comparée, 152.) Paris: Honoré Champion, 2018. 189 pp.

La littérature européenne des dix-neuvième et vingtième siècles ne saurait se penser hors des structures impériales et coloniales, ainsi que l'a démontré Edward Saïd dans Culture and Imperialism (Londres: Vintage, 1993; 2000 pour la traduction française). Un constat sur lequel s'appuie également Sylvie André pour proposer une analyse de la fiction francophone réaliste de la fin du dix-huitième siècle à nos jours. Le corpus choisi (de Bernardin de Saint Pierre à J.-M. G. Le Clézio) est extensif et varié. Malheureusement, un ouvrage de moins de deux cents pages ne permet pas toujours de donner à chaque analyse l'ampleur qu'elle réclame. Certaines se rapprochent assez fidèlement du modèle développé par Saïd à travers ses lectures de Jane Austen ou Charles Dickens. Ainsi un chapitre est consacré à la représentation par les auteurs naturalistes du développement du capitalisme financier à la fin du dix-neuvième siècle, et du rôle, assez peu exploré par la critique littéraire, qu'y joue l'expansion de l'empire colonial français. Ce faisant, André démontre comment Zola dans L'Argent et Maupassant dans Bel-Ami articulent une critique sociale de la spéculation financière, en plein essor au cours des années 1880–90, autour d'une compréhension fine de l'impact de la colonisation sur la société métropolitaine française. Les distinctions les plus intéressantes concernent celles faites entre le roman 'exotique' écrit depuis la métropole et les récits des colons du tournant du dix-neuvième siècle jusqu'à la veille de la décolonisation. Elle met donc en lumière le projet des frères Leblond, natifs de la Réunion, de 'créer une véritable littérature coloniale' (p. 75), produite dans les colonies mêmes et exaltant les possibilités de 'régénération' du projet colonial. Ainsi produisent-ils plusieurs ouvrages, dont une Anthologie coloniale en 1929, faisant remonter les sources du genre à Bernardin de Saint-Pierre et l'utopie coloniale de Paul et Virginie mais incluant également des récits de voyageurs comme Victor Segalen, et de colons, comme eux. Cette glorification du projet colonial et de ceux qui le portent est contrasté avec les romans exotiques produites en métropole, dépeignant la société coloniale comme irrémédiablement corrompue. Ainsi cette même année 1929 voit la parution d'Erromango de Pierre Benoît. Ces études de cas permettent de nuancer l'homogénéisation du discours impérialiste occidental par les premiers critiques postcoloniaux (dont Saïd, qui fournit par ailleurs à André la charpente de son approche). Finalement, il faut se demander ce qu'André entend ici par 'fiction réaliste'. En effet, le corpus englobe tant le dialogue philosophique de Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, le Nouveau Roman que les récits d'explorateurs comme Paul Du Chaillu, sans qu'aucune explication générique ne vienne le justifier. Il faut noter que pour son ouvrage sur le même sujet, The Colonial Comedy: Imperialism in the French Realist Novel (Oxford: Oxford University Press, 2016), Jennifer Yee rendait compte avec rigueur des débats tant au dix-neuvième siècle que dans la critique contemporaine autour du terme 'réaliste'. L'omission d'André est d'autant plus dommageable que la réelle et riche diversité du corpus étudié représente toute l'originalité de son entreprise. [End Page 326]

Sarah Budasz
Durham University
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