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  • Décadence fin de siècle par Michel Winock
  • Alexandre Burin
Décadence fin de siècle. Par Michel Winock. (L'Esprit de la cité.) Paris: Gallimard, 2017. 288 pp.

Cet ouvrage se présente comme le prolongement de l'étude publiée par Michel Winock sur les intellectuels du vingtième siècle (Le Siècle des intellectuels (Paris: Seuil, 1997)) pour laquelle il avait repu le prix Médicis essai il y a vingt ans. Bien que le terme 'intellectuel' soit ici anachronique—le mot entre dans l'usage à partir de l'Affaire Dreyfus—, l'auteur choisit d'organiser son étude en se basant sur l'idée de décadence illustrée par les écrivains et intellectuels de la fin-de-siècle française, de manière chronologique. Soit, grosso modo: entre 1885 (mort de Victor Hugo) et 1897 (débuts de l'Affaire Dreyfus). Dans ces dix-sept chapitres, l'on retrouve par exemple les auteurs Barbey d'Aurevilly, Léon Bloy, Joséphin Péladan, Paul Bourget, Rachilde, Maurice Barrés, Joris-Karl Huysmans, Jean Lorrain, Octave Mirbeau et Rémy de Gourmont, mais aussi des écrivains rarement considérés comme décadents, comme Alfred Jarry et Paul Claudel. Winock se focalise aussi sur le rôle de la presse (l'accent mis sur les journalistes Paul Déroulède, Henri Rochefort, et Edouard Drumont, figure historique de l'antisémitisme en France) ainsi que les figures anarchistes et leurs milieux. Dans l'ensemble, ce livre se présente comme une histoire intellectuelle d'une courte période qui voit le triomphe de la République démocratique en France, en analysant des idées—majoritairement politiques—revisitées par leur support. Les concepts clés de cette étude sont nombreux. On pourra citer, parmi d'autres, le nationalisme, le socialisme, le communisme, l'anarchisme, le républicanisme et l'antirépublicanisme, le boulangisme, l'antisémitisme, mais aussi le pessimisme, la nostalgie, le satanisme, l'occultisme comme matérialisme et la sexualité décadente. C'est là le véritable intérêt de cet ouvrage: les explorations esthétiques de la décadence sont assidûment analysées à travers le prisme des changements politiques et historiques. Et pour Winock, la décadence représente autant un déclin qu'une forme d'âge d'or (la République) qui, toutefois, ne peut éviter de nombreuses résistances au régime. De fait, les écrivains décadents développent un certain pessimisme aristocratique, esthétique mais aussi l'anarchisme littéraire devant une nouvelle civilisation positiviste qui prône le culte du progrès. Cependant, pour l'auteur, avant tout historien spécialiste de la République et des mouvements intellectuels et politiques, au-delà de la contestation artistique, 'c'est dans la formation de l'idéologie nationaliste que l'on perçoit au mieux la fonction exercée par le sentiment ou le mythe de la "décadence"' (p. 256). En définitive, le livre de Winock pourra intéresser le grand public (à ce titre, la chronologie qui situe tous les événements politiques et historiques majeurs de la période, placée à la fin de l'ouvrage, est très utile) autant que les spécialistes plus avertis, soucieux d'aborder aussi la décadence à travers une approche plus interdisciplinaire (et non pas seulement esthétique et littéraire). Si certains déploreront le traitement parfois un peu rapide de certains points essentiels de cette période (par exemple, les goguettes avant-gardistes de type Hydropathes ou Chat noir, la déchristianisation de l'état ou le symbolisme sataniste), il est indéniable que Winock livre ici une excellente synthèse—principalement sous l'angle de l'histoire intellectuelle, donc—de la décadence. [End Page 310]

Alexandre Burin
Durham University
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