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  • Les danseurs fous de Strasbourg. Une épidémie de transe collective en 1518 trad. par John Waller et Laurent Perez
  • Mathieu Laflamme
Les danseurs fous de Strasbourg. Une épidémie de transe collective en 1518 John Waller et Laurent Perez (traduction) Strasbourg : La Nuit bleue, Éditions du quotidien, 2016, 224 p., 18,00 €

En août 1518, une épidémie de transe collective, plus communément nommée danse de Saint-Guy, frappe de plein fouet Strasbourg alors ville d'Empire. Dans ce livre, traduction d'une monographie publiée en anglais en 2008, John Waller, historien de la médecine, tente d'expliquer ce phénomène à partir d'une approche interdisciplinaire à mi-chemin entre l'histoire, la psychologie et les neurosciences. Cette étude « se veut donc également une exploration d'un terrain relativement méconnu : celui du cerveau humain » (24–25) dont l'un des objectifs est de mieux comprendre les « processus mentaux » (184) associés au stress psychologique et post-traumatique ainsi que leurs conséquences dans une perspective contemporaine et historisante.

Dans une première partie, J. Waller retrace « l'histoire d'un peuple qui perdit espoir » (26) argumentant que le contexte socioéconomique de la société strasbourgeoise du 16e siècle offrait un terreau fertile pour l'émergence, puis la propagation, d'une telle crise d'hystérie collective. Strasbourg est marquée, comme presque toutes les communautés urbaines du 16e siècle, par une angoisse généralisée face à la mort et la maladie. Les météorites, les épidémies et les dévastations causées par les conflits paysans et les guerres sont perçues comme des signes annonciateurs de l'Apocalypse par les citadins qui craignent pour le salut de leur âme et leur avenir. L'incapacité du clergé de répondre à ces peurs ne fit qu'accélérer le déclenchement de l'épidémie (55). Ce climat de constantes tensions et l'enracinement des croyances populaires tant chez les populations urbaines que rurales, peuvent expliquer la sévérité de la crise de 1518.

Quoique cette explication semble plausible (les travaux sur la chasse aux sorcières, malheureusement peu exploités dans cet ouvrage, font notamment état de cette angoisse collective), de nombreuses généralisations et erreurs d'interprétations nuisent fortement [End Page 247] à l'argumentation de l'auteur et témoignent d'une critique partielle et insuffisante des sources à la base de cette étude. En affirmant que « l'attitude du clergé envers les laïcs avait rarement atteint un tel degré de cruauté » (54) et que prêtes et religieuses succombaient régulièrement aux plaisirs de la chair (34), J. Waller omet de replacer ces critiques des institutions catholiques dans le contexte de la Réforme protestante causant, dès lors, une surestimation de leurs rôles dans l'épidémie de 1518. Ses perceptions de l'hygiène dans la ville médiévale et moderne (50–51) et de l'ampleur de l'isolement social des grands malades à l'Époque moderne (68–71) sont tout aussi problématiques (50–51). J. Waller semble davantage exploité des clichés tenaces sur les sociétés urbaines du 16e siècle au lieu de s'appuyer sur une lecture attentive de l'historiographie.

Dans une seconde partie, l'auteur tente de retracer les jalons de cette « folie de la transe » ainsi que les mesures prises par les autorités séculières et religieuses pour l'enrayer. L'historien démontre que la danse de Saint-Guy était inscrite dans le folklore de la vallée du Rhin ce qui peut expliquer sa rapide propagation en août 1518. Face à cette crise, les autorités municipales ont essayé de séculariser le traitement et la contagion de la crise en faisant appel aux médecins de la ville tout en excluant volontairement l'évêque de Strasbourg de toutes les décisions. Devant ce premier échec et une seconde vague de mimétisme, les magistrats ont forcé les malades à effectuer un pèlerinage, aux frais de la ville, faisant ainsi appel aux croyances populaires à l'origine...

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