La pharmacie centrale de France : Une coopérative pharmaceutique XIXe siècle par Nicolas Sueur (review)

Dans une monographie issue de sa thèse de doctorat, l'historien français Nicolas Sueur entreprend une analyse approfondie d'une entreprise, la Pharmacie centrale de France (PCF), qui était très originale dans son concept, polyvalente dans son essence et qui se voulait au service de la profession pharmaceutique. L'auteur souhaite tout particulièrement mettre en lumière la relation entre deux acteurs : les pharmaciens et l'industrie pharmaceutique, dans un contexte où la profession connaît de sérieuses mutations, et où la société change également. Ainsi, la PCF, « voie médiane entre la défense du métier et industrialisation », représente une force sociale et collective au service de tous les pharmaciens. Elle se veut être une coopérative, une entreprise, une association scientifique et les prémisses d'une industrie.

Dans la première partie de l'ouvrage, l'auteur traite de la création et de la mise en place de la PCF autour de la figure tutélaire de François Laurent Marie Dorvault. Il explique comment cette coopérative est alors financée par les différents investissements et les retours sur dividende. La PCF s'organise autour de plusieurs bâtiments à Paris dont le principal représente le siège social avec les bureaux, la bibliothèque, les laboratoires de recherches, ainsi qu'une usine de transformation des médicaments à Saint-Denis. En effet, un de ses objectifs est d'uniformiser cette production, puis de la distribuer sur le territoire français. Cela va sans dire que la PCF recrute différentes sortes de personnes dont les compétences varient et sont rattachées au poste qu'elles occupent depuis le simple commis livreur jusqu'au chef de laboratoire.

Dans la deuxième partie, Nicolas Sueur focalise son attention sur la fabrication et la commercialisation, faites par la PCF, des produits d'hygiène, incluant des parfums, des friandises et des chocolats. C'est aussi l'occasion de promouvoir la PCF et sa réputation par différents truchements : d'abord, la qualité de la fabrication par le sceau présent sur les étiquettes, ensuite et en parallèle les expositions universelles et la revue de la profession.

Dans la troisième partie, Nicolas Sueur s'attache finalement à montrer que la PCF n'est pas uniquement un laboratoire de recherches et un centre d'émulation intellectuelle, elle est aussi un organisme au service des confrères pharmaciens, en créant une caisse de retraite et de prévoyance, une assurance, ainsi qu'un organisme qui défend les intérêts de la profession face au gouvernement ou face aux contrevenants.

Ainsi grâce à la création de la PCF en 1852, on voit que son directeur Dorvault, en quête de reconnaissance, gravit les échelons sociaux en passant du simple pharmacien d'officine à un notable bien établi en 1879. Toutefois, grâce à sa figure marquante et énergique, la PCF s'impose comme une coopérative de consommation et de production d'importance. Cette institution est une association de professionnels de classe moyenne, une étape majeure dans l'histoire de la pharmacie française pour accéder à l'industrialisation, afin de désenclaver le pharmacien qui fabrique seul dans son officine, d'élargir les horizons et de contrôler la chaîne des médicaments. Elle montre l'évolution significative de l'identité professionnelle.

Tout ceci ne se fait pas sans heurts, puisque Dorvault est presque dictatorial. Tous les pharmaciens de France et de Navarre n'adhèrent pas forcément au projet et aux investissements qu'il met en place et qu'il promeut. La création de l'assurance professionnelle se révèle être un échec. Dorvault ne réussit pas à obtenir l'indépendance pour la formation des apprentis dont les compétences cruciales peuvent faire défaut.

Mais la création de...