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  • “Representing Royalty”Introduction
  • Paule Petitier

À l’âge classique, en France, la littérature est devenue une sorte de satellite de la monarchie absolue, participant au rayonnement de celle-ci et s’imposant en retour à l’Europe comme le modèle d’un art et d’une pensée ayant atteint des sommets de maîtrise, d’unité et d’universalité. Après la Révolution, ce lien est brisé et la littérature se trouve prise dans un système d’allégeance nouveau, tributaire du marché et englobée pour partie au sein de l’empire de la presse. Bien que le lien organique des lettres et des arts avec la royauté ait été rompu, la figure royale reste très présente dans la littérature de l’âge postrévolutionnaire, qui semble comme en deuil d’elle et compense son adaptation réticente à l’ère démocratique par le “sacre de l’écrivain.”1 Certains genres appellent des considérations sur la royauté ou des représentations de rois: les textes de philosophie politique, les chroniques de presse, la poésie de circonstance, dont le prince et sa famille restent des dédicataires privilégiés, le théâtre, où rois et reines sont des emplois traditionnels, le roman et le poème historiques, dont les sujets reportent aux temps passés de la monarchie, et les ouvrages d’histoire pour la même raison. Mais on rencontre aussi des rois dans des genres où ils sont moins attendus: le roman réaliste par exemple intègre la silhouette des souverains contemporains (comme celle de Louis-Philippe dans Lucien Leuwen), tandis que le conte symboliste (tel “Le roi au masque d’or” de Marcel Schwob, 1893) et le récit de politique-fiction (Le Roi fou de Gustave Kahn, 1896) créent des rois fictifs. Le flamboyant Tête d’or de Claudel (1894) porte à son comble la dimension métaphysique et poétique d’une figure qui a inspiré le XIXe siècle tout entier.

C’est à la persistance de la réflexion sur la royauté sous la plume de penseurs ou à travers les représentations romanesques, théâtrales, poétiques, que ce numéro est consacré. Il cherche à travers des analyses portant sur des champs et des types d’œuvres très différents à éclairer les enjeux et les motifs d’une fascination évidente pour une figure qui n’appartient plus tout à fait aux possibles [End Page 182] de la nouvelle situation politique, même si l’option monarchique reste ouverte jusqu’aux débuts de la IIIe République. Si l’on a pu parler du point de vue historique d’une “permanence de la royauté”2 dans le domaine politique, cette formule se voit-elle confirmée dans le champ de la littérature? Faute de pouvoir la traiter de façon panoramique, ce numéro souhaiterait du moins mettre en lumière un sujet de recherches encore largement en friche.

la fragile réinvention de la royauté

La Révolution de 1789 n’a pas fondé le socle d’une monarchie constitutionnelle. Elle a posé l’antinomie de deux régimes: la monarchie absolue et la république. L’expérience des trois années de “cohabitation” du roi et de l’Assemblée nationale a surtout mis en lumière les dysfonctionnements d’une combinaison du système représentatif et de l’autorité monarchique. Aussi des historiens ont-ils pu dire que la royauté est morte avec Louis XVI: “à la différence de la Révolution anglaise, la Révolution française a tué non seulement le roi de France mais la royauté” (Furet 1: 210). Le passé révolutionnaire a grevé en France, tout au cours du XIXe siècle, l’hypothèse de la monarchie constitutionnelle, autour de laquelle se noue un débat dans la pratique comme dans la théorie politiques dès le retour des Bourbons sur le trône. Si des auteurs comme Chateaubriand estiment qu’elle est la seule voie pour rendre la Restauration “possible,”3 au contraire un Louis de Bonald argumente sur la contradiction dans les termes d...

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