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  • « À travail égal, salaire égal » ? La CGT et les femmes au temps du Front populaire par Morgan Poggioli
  • Pascale Le Brouster
Morgan POGGIOLI, « À travail égal, salaire égal » ? La CGT et les femmes au temps du Front populaire, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, « Sources », 2012, 146 p.

En 1993, Le Mouvement social consacrait un dossier au « Syndicalisme au féminin 15 ». Françoise Thébaud y appelait à ce que des passerelles fructueuses soient jetées entre l'histoire des femmes et l'histoire du syndicalisme. Depuis, la crise du syndicalisme, la reconnaissance intellectuelle de l'histoire des femmes et du genre et, enfin, la troisième vague du féminisme ont suscité l'émergence de nouvelles recherches qui construisent une histoire sexuée du syndicalisme. Toutefois, si des historiennes ont étudié l'histoire de la Confédération générale du travail (CGT) et des femmes de 1944 à 1989 16, peu d'attention a été portée à la période du Front populaire.

Auteur d'une thèse sur « La CGT du Front populaire à Vichy », soutenue en 2005 et publiée en 2007 17, Morgan Poggioli a choisi de s'intéresser à celles qui, en 1936, représentent moins de 10 % des effectifs de la CGT, en se demandant si le Front populaire a constitué une rupture par rapport à la prise en charge de la question des femmes au sein de la confédération. Il ambitionne ainsi « de soulever la question du genre dans le champ syndical du Front populaire, d'explorer la dimension sexuée du droit au travail et sa prise en compte par la CGT » (p. 12). Pour ce faire, Morgan Poggioli recourt à une histoire documentaire. L'auteur propose de mettre ses lectrices et ses lecteurs en contact direct avec trente-sept documents inédits conservés à l'Institut d'histoire sociale de la CGT. Ces sources sont des textes de congrès, des revendications confédérales et de branches, des affiches, des tracts, des articles issus de la presse confédérale et, enfin, des photographies–autant de documents qui donnent à lire l'évolution de la représentation des femmes au sein de la CGT, réunifiée depuis le 6 mars 1936, et permettent d'interroger les rapports sociaux de sexes au sein de cette organisation. Le corpus de Morgan Poggioli est enrichi par des « outils » constitués de vingt et une biographies de militantes, issues du Maitron, et par une chronologie. Enfin, une bibliographie bien documentée est présentée en fin d'ouvrage. Plus qu'à une étude approfondie, les trois chapitres qui structurent l'ouvrage–la place des femmes dans la CGT et son volet revendicatif, les accords de Matignon et le droit au travail des femmes et, enfin, le cas des ouvrières à domicile–visent à présenter les documents choisis en donnant les clés nécessaires pour construire une lecture des événements.

L'ouvrage démontre que, si le Front populaire a laissé « dans la mémoire collective une image d'émancipation et de progrès social, les femmes en ont été en partie exclues » et, en ce sens, il constitue « un rendez-vous manqué pour la cause féminine » (p. 101). Pour l'auteur, au vu du programme du Front populaire et des espoirs qu'il a pu susciter concernant la question des femmes, il est donc possible de parler d'un « bilan paradoxal », la question de l'égalité salariale restant absente du congrès de réunification de la CGT, puis des accords de Matignon. Et pour cause, ces derniers n'abordent la question du travail des femmes que de manière protectionniste, « avec l'introduction de dispositions relatives à l'hygiène et à la sécurité » (p. 51), et entérinent, dans les conventions collectives, les discriminations salariales avec des grilles de salaire qui conduisent les femmes à être payées 20 % de moins [End Page 170] que les hommes, ou encore, et c'est un aspect qui n'a pas été abordé par l'auteur, en opérant une distinction entre le « salaire vital » nécessaire aux célibataires et le « salaire d'appoint » des femmes mariées 18. Aussi faut-il attendre 1937...

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