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  • Géopoétique des confins ed. by Rachel Bouvet, et Rita Olivieri-Godet
  • Isabelle Roussel-Gillet
Bouvet, Rachel, et Rita Olivieri-Godet, coordonnatrices. Géopoétique des confins. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2018. ISBN 9782753565296. 216 p.

Cet ouvrage collectif porte sur les paysages non urbains, ouverts (désert, banquise, paysages dits de l'extrême) et grandioses (forêt, fleuve, lande, plaine et toundra) dans la littérature québécoise (Francine Ouellette et François Turcot) ou Inuit (Mitiarjuk Nappaaluk) et dans la production d'écrivains-voyageurs, parfois géographes, géopoéticiens ou sociologues (dans le désordre: Benjamin Péret, J-M. G. Le Clézio, Pierre Loti, Isabelle Eberhardt, Kenneth White, Jean Morisset, João de Jesus Paes Loureiro, Ibrahim Al Koni). C'est dire là d'une certaine manière le nécessaire croisement des disciplines. L'ouvrage est introduit de façon très didactique pour articuler les deux parties qui le constituent: trois contributions théoriques sur la géopoétique des confins, suivies de six études dédiées à un type de paysage dans des récits de genres très variés, de la poésie à l'essai.

Partant du constat que le rapport aux paysages est une construction soumise aux évolutions de nos regards et de nos imaginaires collectifs, du point de vue du colon ou du colonisé, les études s'attachent à réorienter les points de vue en privilégiant ceux du peuple premier sur ceux des voyageurs de passage. Il ne s'agit pas pour autant de s'enkyster sur une critique de la société occidentale. Un facteur singulier, comme la décolonisation, peut aussi expliquer le changement de regard. Certains paysages, omniprésents, se voient minorés en littérature; tel est le cas du désert dans la littérature, passée la période préislamique, d'où l'intérêt pour Elisabeth Vauthier de s'attacher à l'analyse du Le Saignement de la pierre d'Ibrahim Al Koni qui restaure la culture touareg dans "la conscience collective arabe" à travers le motif du désert (207). Enfin, ces mutations ont une historicité et des facteurs divers: le filtre du romantisme, du sublime est bel et bien daté; le prisme surréaliste rend la forêt mystique ou la transforme en métaphore de l'inconscient (comme Leonor Lourenço de Abreu le démontre en lisant Benjamin Péret); la pensée cartésienne d'un rapport homme-terre (50) est dénoncée par White. Le Dasein est, [End Page 212] quant à lui, "en prise directe sur le réel" (55) comme nous le rappelle Christophe Roncato-Tounsi.

Gageons qu'au vingt et unième siècle, le facteur soit une exploration des confins pour cette présence au monde et donc à soi. Il est aussi des acteurs qui ont infléchi la question, comme la figure de Kenneth White, qui a impulsé des "foyers d'énergie" (57) pour enclencher "une dynamique socio-culturelle qui pourrait infléchir la marche effrénée de l'homme moderne et annoncer un nouveau rapport à l'environnement et à l'Autre; ce que le mouvement géopoétique met en œuvre depuis la fin des années 1980" (58). Jean Morisset préconise, quant à lui, une poésie utopique qui intègre l'héritage ancestral des peuples autochtones. Mais la manière d'être acteur qui demeure privilégiée consiste tout simplement à en être un habitant qui transmet un savoir géographique, tel l'Inuit avec ses pratiques, ses récits et son langage pour rendre compte du milieu physique "qui privilégie les formes telles qu'elles s'observent dans des situations précises" (90), selon Nelly Duvicq. Citons enfin les éditeurs du Québec qui, depuis 2000, publient des récits et des poésies diversifiés.

Pour se saisir de ce corpus littéraire, la démarche est d'éprouver des "concepts de la discipline géographique" (25), écrit Rachel Bouvet, pour aborder le texte littéraire. L'un d'eux est la notion d'acte de paysage telle que l'a conceptualisée Charles Avocat, et...

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