Les Littératures francophones de l'archipel des Comores by Buata B. Malela, Linda Rasoamanana, et Rémi A. Tchokothe (review)

L'ouvrage collectif dirigé par Buata B. Malela, Linda Rasoamanana et Rémi A. Tchokothe nous invite à une (re)lecture plurielle de la production littéraire francophone des Comores. Une production encore relativement récente, semblet-il, puisque "la première attestation d'une fiction écrite en langue française s'[y] présente sous la forme d'un roman intitulé La République des imberbes de Mohamed Toihiri édité en 1985, à moins que ce ne soit celui d'Hortense Dufour paru un an plus tôt?" (14). Pourtant, la présence de la France et du français n'a rien de nouveau dans l'archipel des Comores, et encore moins dans cette région du sud-ouest de l'océan Indien. Si le Traité du 25 juin 1841 portait déjà cession de Mayotte à l'Hexagone, l'histoire politique de l'archipel, depuis lors et jusqu'à nos jours—en passant par l'indépendance des trois autres îles constituant l'Union des Comores (Anjouan, Mohéli et Grande Comore), et l'accession de Mayotte au statut de Département d'outre-mer de la République française en 2011—n'aura eu de cesse de confirmer la complexité des enjeux politiques, culturels et identitaires à l'œuvre dans l'archipel, du fait même d'une francité ou d'une présence française devenue espace de contestation et de controverse, de revendication et de résistance.

Il n'est pas étonnant, alors, que les trois universitaires dirigeant le collectif s'interrogent, dès l'introduction, avec précaution, sur le "problème" de l'objet; ce que le titre de l'ouvrage désigne comme "littératures francophones des Comores" et qu'il importe de pouvoir appréhender et délimiter, suivant des paramètres multiples d'ordre géographique certes, mais également d'ordre politique, historique, linguistique et culturel. De fait, le collectif rassemble, en vingt et un chapitres, une diversité d'études et d'analyses ayant initialement fait l'objet de travaux présentés lors d'un colloque international ("La littérature francophone de Mayotte, des Comores et du sud-ouest de l'océan Indien: Production et réception") organisé par le Département des Lettres et des Sciences Humaines du CUFR de Mayotte, en mars 2015, soit dans le cadre de la semaine de la Francophonie. Si le collectif entend ainsi proposer une "photographie de l'état de la recherche à un moment donné sur le fait littéraire aux Comores" (16), c'est conscients de la "porosité entre l'univers littéraire" et ce qu'ils appellent les "jeux extralittéraires" (9) que Malela, Rasoamanana et Tchokothe parlent d'"objet mouvant," d'"objet en construction sur fond de grandes tensions identitaires" (10). Aussi, c'est en confrontant les limites des taxinomies, des catégorisations et des méthodologies qui participent de la construction d'un espace et d'une historiographie littéraires, qu'ils optent pour l'adoption d'une "perspective élargie" (13); perspective que les différentes interventions, organisées en cinq parties (voire en cinq axes principaux), s'accordent à situer aux croisements des paradigmes du géographique, du politique, du linguistique, du culturel et de l'identitaire.

Avec les contributions de Malela, de Nathalie Carré et de Cheikh M. S. Diop, la première partie de l'ouvrage, "Contours d'une littérature émergente? Jeux d'influence, problèmes et théorie," tente de cerner les principales composantes à l'œuvre dans une possible appréhension des expressions francophones comoriennes. Les interventions défendent d'une part, comme c'est le cas chez Malela, la nécessité de s'éloigner des "grands récits" et de dépolitiser le questionnement en études littéraires, pour mieux considérer le "moment" comme approche de lecture des textes. Elles proposent d'autre part, comme...