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  • Rubrique dirigée par Isabelle Roussel-Gillet, Université d'Artois, France
  • Isabelle Roussel-Gillet

Ce printemps 2018, la France a fêté les 50 ans de mai 68. Et l'ouvrage de référence de cet anniversaire pourrait bien être 1968. De grands soirs en petits matins, de Ludivine Bantigny, paru aux Éditions du Seuil. L'ouvrage restitue certes les débats ainsi que les apports sociétaux et idéologiques de mai 68, comme l'autogestion, le désir de changer profondément le quotidien, la recherche du commun, et le rêve d'un monde sans hiérarchie, sans monnaie au service du capital. Cependant, son intérêt se trouve ailleurs: voici, nous indique Bantigny, une "historiographie renouvelée [qui] espère se soustraire aux dictées du prêt-à-penser" (13). L'historienne s'appuie sur des sources souvent ignorées, celles des rapports de police, pour attester des faits et remettre en question la terminologie expéditive de "révolution" qui souvent qualifia l'événement. Mais surtout, l'ensemble évite de se limiter au lieu des barricades, en se décentrant par rapport à Paris. Pour les littéraires, le chapitre IX intitulé "Temps de paroles et éclats de voix" présentera un intérêt certain: à travers l'analyse de la poétique du politique, Bantigny y rappelle la colère des poètes comme Prévert, ainsi que la participation au mouvement de chanteurs et d'artistes visuels pour que le lecteur puisse "entendre la poésie laisser lentement l'événement se détacher du sol" (13).

D'autres ouvrages, tels Géopoétique des confins et Les Îles malades (faisant tous deux l'objet d'un compte-rendu critique dans ce numéro) présentent aussi à leur façon des cas de décentrage, des cas d'espaces, des confins aux confinements, pour réfléchir sur les lieux tantôt qualifiés d'hostiles, tantôt dévolus à l'enfermement sous les effets de la colonisation. Comment redéfinir les confins? Comment analyser les îles des quarantaines?

Autre fait marquant de cette année: Hélène Bessette, auteure oubliée des années 60/70, est à l'honneur. Une seconde redécouverte, après celle de 2006–2012 par sa réédition chez Léo Scheer, grâce notamment à un colloque à Cerisy-la-Salle et à la publication d'un texte autobiographique inédit.

Isabelle Roussel-Gillet
Université d'Artois

Ouvrage cité

Bantigny, Ludivine. 1968. De grands soirs en petits matins. Paris, Éditions du Seuil, 2018.
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