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Reviewed by:
  • Marianne et le garçon noir by Léonora Miano
  • Anaïs Fusaro
Marianne et le garçon noir. Sous la direction de Léonora Miano. Paris: Pauvert, 2017. 267 pp.

Au cœur de cette collection cohabitent les voix de dix auteur.es noir.es dont les échos, lyriques, autobiographiques, universitaires ou théâtraux — somme toute pamphlétaires —, brossent le portrait d'un 'garçon noir' évoluant de façon permanente ou temporaire en France métropolitaine. À sa tête se trouve Léonora Miano, autrice camerounaise (Prix Goncourt des lycéens 2006, Grand Prix littéraire d'Afrique noire 2011 et Prix Fémina 2013), qui, poussée par l'urgence du caractère systématique des violences policières sur des hommes noirs, s'est entourée de contributeurs hétéroclites, qui nous dévoilent à leur tour une fresque des a priori quotidiens (et des violences qui en découlent) subis par la communauté noire masculine. L'ouvrage regroupe les récits d'individus n'ayant en commun que leur expérience de personne noire. Pourtant leurs similitudes étonnent. Les représentations sociales du 'garçon noir' se distinguent sous deux formes fantasmées: les représentations positives ou négatives. Les premières, lorsqu'elles puisent dans la culture française, regroupent des humoristes, des chanteurs ou sportifs populaires. Les secondes relaient des images souvent médiatisées de dictateurs cannibales et/ou d'hommes poly-games. Ce qui est véritablement discutable, affirment en chœur les contributeurs du recueil, c'est plus précisément le corps de l'homme noir. Hypersexualisé, il doit faire preuve de performance et d'endurance à chaque instant. Les multiples récits de violence policière décrivent un corps différent des autres, meurtrier car porteur du VIH, et dépersonnalisé jusqu'à la déshumanisation. Ces représentations ne lui appartenant pas, le corps noir masculin s'est vu peu à peu dépossédé de lui-même. Ce 'lieu d'impouvoir' (p. 161) nécessite une reconquête du corps noir masculin par lui-même, que les contributeurs réclament unanimement. À l'asservissement par le corps s'ajoute celui par la langue. L'homme noir doit avant tout se taire: à l'école, le récit du 'signal' rapporte l'interdiction des langues vernaculaires (p. 128); face à la police, le silence est également requis — sous peine, dans les deux cas, de se voir infliger un châtiment corporel. Si le langage 'structure la pensée' (p. 131) et, par là même, structure l'individu en lui octroyant une mémoire, la parole amputée lui retire son histoire, et en conséquence tout sentiment d'humanité. Réincarner son corps, retrouver sa langue, ce serait donc pour le 'garçon noir' acquérir une légitimité sociale et humaine. La construction de la masculinité passerait ainsi par une reconquête des espaces corporels et linguistiques et pourrait de fait devenir le levier qui participerait au renversement d'une Marianne vécue comme un corps institutionnel oppressant, ingrat et violent, qu'il faut fuir pour assurer sa survie. En articulant différentes entités provenant de différentes écoles de pensée, cet ouvrage collectif dénonce les violences systématiques, entendons-nous du système, que les 'tentacules de Marianne' (p. 78) exercent sur une partie de sa population. Il nous rappelle que la question de la [End Page 160] masculinité (noire a fortiori) demeure un domaine de recherche sous-développé, ce qui souligne davantage la présence essentielle de cet ouvrage.

Anaïs Fusaro
University of St Andrews
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