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Reviewed by:
  • Stendhal et Winckelmann by Catherine Mariette et Chantal Massol
  • Élodie Saliceto
Stendhal et Winckelmann. Sous la direction de Catherine Mariette et Chantal Massol. (Bibliothèque stendhalienne et romantique.) Grenoble: UGA Éditions, 2017. 188 pp., ill.

Naguère qualifiée par Francis Claudon d''Œ'dipe esthétique' de Stendhal, la dette de ce dernier à l'égard de Johann Joachim Winckelmann (1717–1768), déjà ponctuellement abordée par la critique, fait enfin l'objet d'une réévaluation d'ensemble nourrie de la relecture attentive de textes esthétiques majeurs. L'auteur français ne cesse d'égratigner l'antiquaire allemand, théoricien à succès du néoclassicisme européen, considéré comme le fondateur de l'histoire de l'art au sens moderne de la discipline. De l'Histoire de la peinture en Italie de 1817 (à qui les différentes contributions font la part belle) aux Promenades dans Rome de 1829, Stendhal pourfend le style ampoulé, l'obscure érudition et la posture savante de son prédécesseur — fasciné comme lui par l'Italie, notamment par Rome —, voire prétend tout bonnement ne pas l'avoir lu. Le présent opus, fruit d'une collaboration entre chercheurs français, allemands et italiens, démontre pourtant que leurs liens sont nombreux quoique ambivalents, et déjà symboliques puisque Winckelmann est natif de la ville de… Stendal. Différents parallèles sont alors tissés entre les deux auteurs, dans leurs démarches respectives d'historiens; Stendhal connaît bel et bien, directement ou par la médiation de Luigi Lanzi ou de Germaine de Staël, le discours de Winckelmann, certes fréquemment infléchi. Un dialogue, critique comme souvent chez Stendhal, s'instaure entre les deux œuvres, autour de problématiques et de notions-clés communes: l'imitation (source de divergences cruciales), le rôle de l'imagination, l'idéal — antique ou moderne — et l'historicité du beau, la liberté politique (car l'art résulte d'un état social autant que d'un climat propice), l'énergie, le sublime ou encore la grâce. Un même impératif d'observation directe et subjective — ou 'art de voir' et de sentir proprement 'esthétique' — guide les voyageurs, tous deux défenseurs d'un néoclassicisme vibrant réconciliant l'esprit et la sensibilité/sensualité; Stendhal en salue par exemple la manifestation à travers l'œuvre de Canova, aux antipodes du classicisme poussiéreux qu'il fustige. L'auteur français prend cependant pour référence l'Italie de la Renaissance plutôt que la Grèce du IVe siècle avant J.-C., et la peinture l'émeut davantage que la sculpture. Dans ses écrits, il privilégie une 'esthétique du naturel' simple et sobre, loin de l'emphase enthousiaste de l'ekphrasis winckel-mannienne mais néanmoins au service d'un art fondé sur l'expression des passions. En définitive, Stendhal, agacé, se démarque surtout du Winckelmann institutionnalisé et pour ainsi dire canonisé par ses nombreux admirateurs, sans que cela n'invalide sur le fond la fécondité de leur 'échange'. Ce volume — doté d'une remarquable Introduction, précise et synthétique — parvient à restituer les nuances d'une réception complexe et teintée de contradictions, mesurant l'écart entre deux moments culturels distincts mais également les nombreux points de concordance entre des expériences esthétiques elles-mêmes en évolution. L'éclairante communication de Renate Reschke permet [End Page 121] enfin de prolonger et d'élargir le débat, en examinant la manière dont Nietzsche s'inspire de Stendhal pour mieux opposer à l'Apollon winckelmannien la violence d'une Antiquité désormais placée sous le signe de Dionysos.

Élodie Saliceto
Institut D'Histoire Des Repréentations dans Les Modernités (IHRIM)
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