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Reviewed by:
  • La filière noire. Dynamique du polar « made in Africa » by Désiré Nyela
  • Judith Sinanga-Ohlmann
Désiré Nyela, La filière noire. Dynamique du polar « made in Africa », Paris, Honoré Champion, 2015, 275 p., 56

« La filière noire » est ici une expression qui désigne le genre littéraire « roman noir », mais aussi qui renvoie à ses spécificités sur le continent noir. Cela signifie-t-il que roman noir est synonyme de « polar », qu'il soit « made in Africa » ou ailleurs ? Voilà ce qui serait une méprise, car ce titre de l'œuvre de Désiré Nyela est fondé sur un triple postulat : premièrement « filière noire », car il s'agit de textes produits par des auteurs africains qui, par ailleurs, ne sont pas tous noirs, deuxièmement, parce que l'adjectif noir réfère au genre littéraire « roman noir » et troisièmement de par l'évocation du genre polar, non seulement le classique, mais spécifiquement celui qui, s'inspirant du classique, a vu le jour en Afrique et s'enracine dans le sol du continent noir. Par s'enraciner, Nyela nous fait comprendre que quoique les auteurs africains aient adopté ce genre venu d'ailleurs, leur production aussi bien du point de vue thématique que stylistique affiche des traits socio-culturels qui leur sont particuliers et les distinguent ainsi de leurs homologues occidentaux. Bien que cet ouvrage ait comme point de mire l'Afrique noire, le lecteur de Filière noire. Dynamique du polar « made in Africa » est amené à voyager dans le temps (depuis ses premières manifestations) et dans l'espace (en Occident et en Afrique). En effet, Nyela y évoque aussi bien le polar classique pratiqué par des auteurs occidentaux tels que Edgar Allan Poe, Chester Himes, James M. Cain, Pierre Boileau et Pierre Ayraud alias Thomas Narcejac, Georges Simenon, etc, que celui des écrivains noirs et blancs d'Afrique subsaharienne tels que Yambo Ouologuem, Mongo Béti, Mady Diallo Aida, Deon Meyer, James McLure, Margie Orford pour ne nommer que ceux-là. Des comparaisons intéressantes sont faites entre ces différents polaristes, mais aussi Nyela fait découvrir aux lecteurs les nuances entre les termes associés au genre polar tels que roman policier, roman d'espionnage, roman noir, polar ethnologique, métaphysique… sans oublier de spécifier les ressemblances et les divergences entre « le fil classique et le fil noir », ainsi qu'il en donne de bonnes explications tout au long du livre.

Pour illustrer les faits sus-mentionnés, l'étude de Nyela procède par un recensement de plusieurs romans qui, chacun à sa façon, offre une représentation des diverses formes sous lesquelles se manifeste le genre polar. C'est en cela particulièrement que réside la richesse de son étude car, tout en y apprenant l'historique et les différentes manifestations du genre polar, on a aussi la chance de parcourir le contenu de plusieurs romans dans lesquels on parvient à mieux comprendre, non seulement les subtilités reliées à ce genre, mais aussi les questions thématiques et [End Page 153] culturelles—bases différentielles entre romanciers d'origines diverses et dont certains noms ont été cités ci-dessus.

Avant l'examen des romans d'illustration, Nyela présente aux lecteurs les raisons pour lesquelles le genre polar a mis du temps à prendre son essor en Afrique noire. Ce genre qui, nous dit-il, a commencé timidement à être pratiqué par les auteurs africains au milieu des années 1970, a d'abord été occulté en raison de son caractère populiste. De ce fait, la crainte que la littérature africaine déjà « située dans les marges » ne soit encore plus dévalorisée, ces créateurs ont évité la pratique des « genres dit populaires, à l'instar du roman policier, frappés d'ostracisme, genres repoussoirs dans leur clivage avec la littérature majusculée et relégués par l'institution littéraire dans les marges les plus lointaines de sa périphérie ».

à cette raison, Nyela ajoute celle de l'absence de maison d'édition sur le continent africain rappelant par l...

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