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  • Théâtre
  • Mariel O'neill-Karch

Lors d'un colloque tenu à Paris en juin 2016, les participants ont exploré le rôle des « cinq sens au théâtre : théories, esthétiques, dramaturgies ». Le théâtre fait bien sûr appel à la vue et à l'ouïe, mais aussi aux autres sens, comme on peut le constater dans les pièces dont nous rendons compte ici. L'exemple le plus frappant se trouve dans la trilogie d'Alexis Martin. Dans le premier volet, Invention du chauffage central en NouvelleFrance, le froid sert de thème unificateur et le toucher provoque le frisson. Les odeurs se dégagent des eaux usées dans Les chemins qui marchent et le goût est à l'honneur dans Le pain et le vin.

atelier 10

Selon Lev Manovich, base de données et récit semblent être « des ennemis naturels. Ils rivalisent sur le même terrain, celui de la culture, revendiquant le droit exclusif de donner sens au monde » (Le langage des nouveaux médias, Paris, Les Presses du réel, 2010 : 403). Pourtant, chez un dramaturge comme Guillaume Corbeil, ces « ennemis naturels » font bon ménage. Unité modèle présente une mise en abyme fort réussie. Deux interprètes, un homme et une femme, jouent tour à tour des agents d'immeuble et un couple à la recherche d'un condo. Les agents, qui se trouvent dans l'appartement modèle, s'adressent aux spectateurs comme si ceux-ci étaient de potentiels clients : « Chez Diorama. On fabrique des moments magiques. Des souvenirs inoubliables. Pour que vous viviez vos rêves. Et que vous rêviez votre vie. » Des écrans numériques, projetés sur les murs, permettent d'apprécier les choix de matériaux disponibles. Dans une entrevue accordée à La Presse, Corbeil affirme que « tout doit vibrer un peu à la surface. Comment en donner assez au spectateur pour qu'on comprenne qu'il se joue quelque chose d'important, mais qu'au même moment, les personnages sont assez bons pour n'en rien laisser paraître » ? On arrive difficilement à savoir où est la vérité, où est le mensonge, dans un monde régi par l'image publicitaire : « Les rues commencent à s'animer / Le temps suspendu / C'est vraiment beau / Oui. On dirait New York. Ou Barcelone / C'est ce que j'aime ici. L'impression d'être ailleurs ». Ce texte branché nous pousse à réfléchir sur l'embourgeoisement, la surconsommation et le vide social qui en résulte. [End Page 85]

dramaturges éditeurs

Simone et le whole shebang d'Eugénie Beaudry traite de la vie qu'on mène dans une résidence pour personnes âgées à Fort McMurray, en Alberta, où se trouvent de nombreuses personnes venues de l'est du Canada, attirés par les sols bitumineux. Simone, soixante-cinq ans, une ancienne comédienne québécoise, y a été placée par sa fille, Simone-Agnès, qui a constaté que la mémoire de sa mère part à la dérive. Là, elle rencontre Jessy, soixante-dix ans, un Acadien en fauteuil roulant qui a travaillé dans les chantiers de pipeline, qui a perdu toutes ses dents et surtout son envie de vivre. La confrontation entre les deux est inévitable : « JESSY 70 : Gar' si t'as l'air folle. J'te juge pas. Check moé ; pus de force dins bras. C'est le chantier qu'à faite ça. Toé, toute ton cerveau va partir ti boutte par ti boutte. Moé, c'est mon beau / body. / SIMONE : Fermez donc votre… votre / JESSY 70 ANS : T'es stuck devant une poignée de porte. I'm telling you. / T'es finie. / (Simone se précipite sur Jessy et tente d'enfoncer sa tête dans le bain.) / SIMONE : Allez-vous fermer votre gueule ! Je ne suis pas finie ! Je ne suis pas vieille. J'ai ma carte opus. J'ai fait le front page du Elle Québec avec Patricia Paquin. Je n'ai pas d'affaire ici, moi, je suis parfaitement autonome. Je sers encore à … Je joue des… Je suis Simone Bécaud, tabarnac ! Simone / Bécaud ! » Pourtant l'humour et l...

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