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  • Une histoire de la représentation : Louis Marie Bosredon et le Paris de 1848 by Olivier IHL, and: Le plancher de Joachim : l'histoire retrouvée d'un village français by Jacques-Olivier Boudon, and: Les sentiers de l'ouvrier. Textes de John Colin, Charles Manby Smith et William Duthie by Fabrice Bensimon
  • Claire Fredj
Olivier IHL, Une histoire de la représentation : Louis Marie Bosredon et le Paris de 1848, Vulaines-sur-Seine, Le Croquant, « Champ social », 2016, 421 p. ;
Jacques-Olivier BOUDON, Le plancher de Joachim : l'histoire retrouvée d'un village français, Paris, Belin, 2017, 253 p.-VIII p. de pl. ;
Les sentiers de l'ouvrier. Textes de John Colin, Charles Manby Smith et William Duthie, traduits de l'anglais par Sabine Reungoat, édités et présentés par Fabrice Bensimon, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2017, 136 p.

Trois ouvrages récents témoignent de la diversité du monde ouvrier français au XIXe siècle sur lequel chacune de ces études apporte un nouvel éclairage. Leur intérêt tient aussi aux sources que ces ouvrages mettent en lumière et au travail que l'historien réalise à partir d'elles.

Les sentiers de l'ouvrier compilent trois extraits d'autobiographies rédigées par des ouvriers anglais venus travailler quelque temps en France. Ouvriers spécialisés (un tanneur, un typographe, un orfèvre), ils donnent un aperçu de la vie quotidienne et professionnelle du Paris industriel entre 1815 et 1850. Ce court recueil est accompagné d'illustrations, de cartes et surtout d'une présentation riche et synthétique rédigée par Fabrice Bensimon, qui contextualise les ouvrages dont sont extraits les textes proposés. Ils sont notamment replacés dans une histoire de l'édition des écrits ouvriers, un genre en soi outre-Manche, porteur d'enjeux politiques et sociaux dont la connaissance conduit à une mise à distance qui n'enlève rien à l'intérêt que procure la lecture de ces témoignages.

Autre source, extraordinaire celle-ci, les remarques inscrites en 1881 par le menuisier Joachim Martin (1842-1897), sur les cales ou la face cachée de planches servant à refaire le plancher du château de Picomtal, dans les Hautes-Alpes, découvertes au début du XXIe siècle. Ouvrier paysan comme ils sont encore nombreux dans les campagnes françaises, il profite de ce chantier pour se confier, en sachant qu'il ne sera pas lu de son vivant. Ce témoignage au support inédit, écrit lors des pauses de sa journée de travail, nous arrive sans le filtre du brouillon ou de la correction pour édition. Jacques-Olivier Boudon va utiliser ces bribes d'informations–peut-être incomplètes puisque tout le plancher n'a pas été exploré–pour reconstituer la vie du menuisier Martin, sa famille et son cadre de vie, le village des Crottes, en bordure de la Durance, dont il s'est peu éloigné au cours de son existence. C'est une communauté villageoise qui se révèle, avec ses alliances matrimoniales, ses départs–émigrations temporaires, parfois jusqu'en Amérique, jusqu'à l'exode rural–, ses loisirs–Martin insiste sur son activité d'animateur de bals–, ses rancoeurs, en l'occurrence avec le curé, mais aussi ses secrets–sexualité, adultères, infanticides. Les questions d'argent–revenus, coût de la vie, héritages–ont naturellement leur place dans la vie de cet artisan jouissant d'une très modeste aisance, en partie procurée par la propriété de lopins de terre. Cherchant lui aussi à retrouver un monde perdu, Jacques-Olivier Boudon ne suit en rien la démarche d'Alain Corbin, qui utilisait le sabotier illettré Louis-François Pinagot (1798-1876), choisi au hasard, pour proposer la reconstitution d'un destin comme il y en eut tant dans la France du XIXe siècle20. Joachim Martin écrit sur lui-même, avec la volonté et la conscience de laisser une trace, fût-elle posthume. La personnalité du menuisier se dévoile, républicain, catholique–il est un pilier de la confrérie locale...

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